Maladie d’amour

Ecrit par Nathalie Rheims,

Publié aux éditions Leo Scheer, 

Broché, 304 pages – 19 €.

(Résumé personnel)

Deux femmes, la trentaine. L’une est mariée, deux enfants, heureuse de mener une vie stable, confortable, sans mauvaise surprise. L’autre vit dans un petit appartement à bas prix, peine à trouver un travail, enchaîne les relations sans avenir avec des hommes mariés. Elles sont amies de longues dates, confidentes de toujours, presque des sœurs. Lorsque Alice rompt avec son amant, un homme marié qui lui promettait le mariage sans y croire une seule seconde, elle se sent détruite, anéantie de chagrin, et se tourne naturellement vers la bonne Camille, s’y rassurante. Cette dernière se réjouit pour elle, la console et l’encourage à tout recommencer – aussi bien professionnellement qu’amoureusement.  Alice promet d’essayer, puis disparaît quelques jours. 

Un matin, elle téléphone : le sourire est dans sa voix, son bonheur palpable, il faut vite qu’elle voit Camille pour tout lui raconter. L’après-midi, Alice s’explique : elle est tombée folle amoureuse d’un médecin de grande renommée qui aurait lui-même succombé à ses charmes lors d’une auscultation. Leur baiser était fabuleux, merveilleux, grandiose, à l’image de cette nouvelle histoire d’amour qui s’offre à elle, si magnifique que des ailes semble lui pousser dans le dos… Camille est bouche bée, part sans dire un mot. En rentrant chez elle, une rapide recherche sur internet lui confirme que ce médecin est marié et très heureux de l’être. Elle se sent las des aventures de son amie, finalement plus répétitive que sa routine personnelle. Comment la protéger d’un nouveau chagrin d’amour ? A coup sûr, elle va encore se faire rejeter par cet homme sans scrupule, et à nouveau il faudra la ramasser à la petite cuillère, la consoler des jours durant… Les jours passent, Alice se fait rare et ses courtes confidences sont parfois étranges. La pauvre Camille se fait du souci, se tracasse à tel point qu’elle n’en dort plus. Qui est ce médecin ? Va-t-il vraiment quitter son épouse ? Finalement elle n’en peut plus et décide de se rendre à son cabinet pour en discuter avec lui. Seulement, les réponses de ce Docteur Costes seront très surprenantes…

~~~~~~~~~~~~~~~~

Cette histoire aurait pu être très agréable à lire. Le projet de Nathalie Rheims était d’étudier, par la romance, la frontière qui distingue l’amour passionnée de l’amour maladif – ceci au-travers d’Alice, jeune femme érotomane. Malheureusement, l’écriture de Nathalie Rheims, sans être mauvaise, est profondément ennuyante. C’est là le premier point négatif. Ainsi, dès les premières pages, le lecteur est confronté à des détails aussi inutiles que nombreux :

« Alice longeait les quais de Seine et, apercevant la pointe de l’île Saint-Louis, remonta vers le boulevard Richard-Lenoir pour rejoindre, à l’angle de l’impasse Ternaux, la rue de la Folie-Méricourt. Elle aimait ce nom, et cet ancien quartier ouvrier qui évoquait, pour elle, Théroigne de Méricourt. Cette femme au destin incroyable qui s’était portée, en armes, à la tête de la foule révoltée, pour prendre la Bastille. Elle avait même servi de modèle à Delacroix pour sa Liberté guidant le peuple. Contrairement à Olympe de Gouges, morte décapitée, avait fini sa vie enfermée à la Salpêtrière, après avoir sombré dans la folie. Il faisait chaud lorsque Alice traversa la court de l’immeuble où habitait Camille. »

Alors certes, l’histoire de Théroigne de Méricourt n’est pas inintéressante, mais l’on peut tout de même s’interroger sur la pertinence de ces détails dès les premières pages d’un roman. Le début d’une histoire doit captiver le lecteur, faire naître son intérêt, le convaincre de continuer sa lecture ; or l’évocation des rues de Paris et ce petit cours d’Histoire de France, au mieux, arrachent des soupirs et des grincements de dents. Hélas, la narration ne va pas en s’améliorant et l’on subit durant ces presque 300 pages une écriture maladroite, un peu fouillie, trop pleine de virgules et de détails.

Cette lecture me fatiguait. Toutefois, la persévérance peut parfois révéler un trésor de belles idées enfoui derrière bien des maladresses d’écriture, aussi, je décidais de poursuivre. Malheureusement, la suite de l’histoire confirmait mon sentiment : les mots s’agençaient grossièrement sur une trame non seulement très banale, mais surtout difficilement maîtrisée.

Ainsi, les chapitres s’alternent sans intérêt toutes les quatre pages, nommés sans élégance, tels des panneaux de signalisation anticipant les prochaines pages : « Au bloc opératoire », « Deuxième diner », « Rupture », « Alice, solitude et désoeuvrement », « Réconciliation », etc. De ce fait, alors même que les événements et les personnages sont très prévisibles, l’auteur choisit de supprimer le potentiel suspens de son récit au moyen de titres dénués de la moindre poésie. Pour un roman d’amour, quelle déception. 

Par ailleurs, le roman se compose de stéréotypes amoureux de toutes sortes, et même les rapports d’amitié ou sociaux-professionnels sont défigurés par cette plume synthétique. Les personnages ne sont d’ailleurs décrits que physiquement, alimentant le caractère factice de ce piètre récit. Tout dans ce roman est artificiel et convenu, parfaitement irréaliste. Chaque personnage est beau, charmant, séduisant et le récit s’articule autour de cette beauté que l’on retrouve à chaque page – comment peut-on décrire des relations aussi superficielles ? Pour ajouter à la lassitude générale, le fameux Docteur Costes passe sa vie à refaire le nez, le menton, les seins, le ventre, les cuisses de ses patientes – et s’en suivent de longues descriptions de cet art admirable qui permet aux femmes d’accéder à leur plus chers désirs de perfection esthétique. C’est affligeant. Même les dialogues manquent de naturel et le ton des personnages est affecté, trop lourd ou trop léger pour les situations décrites. Rien n’est crédible, et l’on s’ennuie toujours plus.

Finalement, le plus désagréable est sans aucun doute l’incapacité de Nathalie Rheims a bien mener son récit. En effet, sa narration n’est pas toujours claire et elle semble parfois mélanger ses idées, omettre d’expliquer des faits : en résulte un sentiment de désordre et de cafouillages qui ne tient pas qu’à la maladie du personnage, mais aussi – et surtout – aux difficultés de l’auteur à écrire ce roman. Nathalie Rheims a probablement essayé d’illustrer le désarroi et la confusion de Camille par cette narration bancale et pas toujours crédible, mais ce n’est pas efficace – car ce n’est pas Camille qui écrit, et l’on ne peut l’oublier. 

Il y a malgré tout quelques passages pas trop mal écrits dans ce roman, du moins semblent-ils plus sincères que d’autres, plus achevés. Mais ce n’est pas assez pour convaincre et le roman s’achève ainsi, dans cette sensation d’ennui profond, de lassitude et de plaisir déçu.

Je remercie Gilles Paris et les éditions Léo Scheer pour leur confiance.