Les Crimes de l’Amour

Les Crimes de l’Amour,
par le Marquis de Sade

Publié en 1788. 



Quatrième de couverture, pour les nouvelles éditions :

On parle des délices de l’amour. Sade choisit d’en évoquer les crimes. L’amour devenu passion brûle tout ce qui n’est pas lui. La passion de Sade, dans ces nouvelles, est une passion incestueuse. M. de Franval aime, à la folie, sa fille Eugénie. La malheureuse Florville, après avoir été séduite par son frère, sera aimée de son propre fils et épousée par son père. L’inceste, c’est l’amour absolu, l’amant se double d’un père. L’inceste est aussi la contestation absolue. Le marquis de Sade est un révolutionnaire qui renie l’ordre social et religieux du XVIIIe siècle. L’inceste, enfin, est le repli suprême sur sa propre famille et sur soi-même. Le style de ces nouvelles est admirable. L’action en est mouvementée, sanglante. Le clair-obscur de chaque être, Sade, l’a mis à nu avec génie.

Voilà un très bel ouvrage que je vous recommande. L’écriture du Marquis de Sade est belle, riche, soignée et délicate : séductrice, elle nous attire et on se laisse emporter par cette belle langue française. L’ouvrage est un recueil de cinq nouvelles dont voici les titres : « Faxelange ou les torts de l’ambition », « Florville et Courval ou le fatalisme », « La comtesse de Sancerre ou la rivale de sa fille », « Eugénie de Franval » et « Dorgeville ou le criminel par vertu ». Ces nouvelles, je les présenterai presque comme des contes,  je dis presque parce les contes se terminent bien, alors que ces nouvelles se terminent toutes tragiquement : pour cause, la morale doit ressortir avec évidence de l’histoire.

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Ces nouvelles – ou contes tragiques – sont toutes regroupées sous le même thème : celui de l’Amour. On découvre des histoires terribles de trahison, d’infidélité, d’adultère, d’incestes, de meurtres, etc. Le libertinage y est bien sûr présent ; ce dernier thème, ainsi que les personnages pour le moins emprunts de cruauté et la plume de l’auteur font échos aux Liaisons Dangereuses, de Laclos, roman épistolaire que j’aime énormément. La manipulation, présente dans ce dernier, se retrouve dans Les Crimes de l’Amour, notamment dans la nouvelle « Eugénie de Franval » ; le Marquis de Sade excelle dans l’art de nous raconter les idées machiavéliques de ses personnages. Les histoires sont plus tragiques les unes que les autres ; toutefois, ce tragique ne choque pas tellement la plume du Marquis est belle. Je tiens à souligner qu’on ne trouve ni sexe explicite, ni théories immorales dans ces nouvelles, en comparaison avec ses autres écrits. 

« Pour moi qui n’espère rien, pour moi qui suis bien sûre de n’être pas plus malheureuse après ma mort que je ne l’étais avant ma vie, je vais m’endormir tranquillement dans le sein de la nature, sans regret comme sans douleur, sans remords comme sans inquiétude. J’ai demandé d’être mise sous mon berceau de jasmins ; on y prépare déjà ma place ; j’y serai, Florville, et les atomes émanés de mon corps détruit serviront à nourrir…à faire germer la fleur, de toutes, que j’ai le mieux aimée. »

Les nouvelles ne sont pas courtes : le Marquis nous propose des dialogues argumentés, où le bien et le mal se retrouvent face à face. Les arguments employés par les deux camps sont très solides, je pense que la Marquis a voulu mettre son lecteur à l’épreuve, le pousser à choisir entre ces deux camps, entre ces arguments : c’est très réussi, je me suis laissée prendre par les dialogues et sans m’en rendre compte, j’ai réfléchi aux différents arguments, notamment pour la nouvelle « Eugénie de Franval ». Cette dernière nouvelle est la plus longue et la plus tragique ; c’est également celle qui nous pousse le plus à la réflexion. En prenant ma douche ce soir, je me suis surprise à penser et repenser à ces nouvelles : à la fin, le lecteur peut très clairement lire la morale de l’histoire…mais je ne peux m’empêcher de me demander ce que pensait réellement le Marquis de Sade : la morale ne serait-elle pas ironique ? Les arguments que proposent « les méchants » de la morale sont très bien écrits, très bien pensés, et j’oserai presque dire, plus convaincants que les arguments présentés par « les vertueux ».

« Le bonheur est idéal, il est l’ouvrage de l’imagination ; c’est une manière d’être mû, qui dépend uniquement de notre façon de voir et de sentir ; il n’est, excepté la satisfaction des besoins, aucune chose qui rende tous les hommes également heureux ; nous voyons chaque jour un individu le devenir, de ce qui déplaît souverainement à un autre : il n’y a donc point de bonheur certain , il ne peut en exister pour nous d’autre que celui que nous nous formons en raison de nos organes et de nos principes. »

J’aimerais également souligner le fait que dans chaque nouvelle, une toute autre réflexion est proposée au lecteur sur un autre thème : ainsi, dès la première nouvelle, j’ai découvert au cours d’un dialogue certains arguments qui m’ont fait réfléchir… Je vous en propose un extrait pour l’exemple, bien que vous ne disposiez malheureusement du contexte ; ils sont prononcés par un jeune homme qui a perdu toute sa fortune au jeu, et qui de malheur est devenu un bandit très recherché :

« Si les lois sont sans vigueur contre le jeu, si elles l’autorisent au contraire, qu’on ne permette pas au moins qu’un homme ait, au jeu, le droit d’en dépouiller totalement un autre, ou si l’état dans lequel le premier réduit le second, au coin d’un tapis vert, si ce crime, dis-je, n’est réprimé par aucune loi, qu’on ne punisse pas aussi cruellement qu’on le fait, le délit à peu près égal que nous commettons en dépouillant de même le voyageur dans un bois. Et que peut donc importer la manière, dès que les suites sont égales ? Croyez-vous qu’il y ait une grande différence entre un banquier de jeu vous volant au Palais-Royal, ou Tranche-Montagne vous demandant la bourse au Bois de Boulogne ? C’est la même chose, Madame ; et la seule distance réelle qui puisse s’établir entre l’un et l’autre, c’est que le banquier vous vole en poltron, et l’autre en homme de courage. »

 J’ose espérer vous avoir convaincu de lire ce très bel ouvrage ! Les nouvelles sont captivantes, le dénouement – pour le moins tragique – se fait toujours attendre avec beaucoup d’impatience ; les personnages sont très bien décrits, aussi bien moralement que physiquement : il est aisé de se les représenter. Les nouvelles invitent à la réflexion du lecteur, au choix d’une morale, et chaque nouvelle m’a laissé un questionnement, une interrogation, à la fois sur l’Amour mais également sur d’autres sujets… Un ouvrage que j’ai réellement apprécié. 

 
Vous pouvez trouver
ici deux autres commentaires sur cet ouvrage. 

 

 —>>> Pour aller plus loin… 

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9 comments

  1. Jennifer says:

    J’espère que tu pourras le lire =) Pour le moment, de tous les Sade que j’ai lus, c’est le plus Soft =) les autres sont assez ..immoraux ^^ . Celui-ci est beaucoup moins dérangeant, comme je
    l’expliquais ^^ Tiens moi au courant ;) Bonne nuit!

  2. flof13 says:

    Je n’ai pas cet ouvrage à la maison, mais tu m’as donnée envie de le lire… En plus, il est beau ton exemplaire, ça donne encore plus envie !!!

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