Le salon d’Emilie

 

Le Salon d’Emilie


Ecrit par Emmanuelle de Boysson

 

 

 

http://images.gibertjoseph.com/media/catalog/product/cache/1/image/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/i/403/9782290039403_1_75.jpgQuatrième de couverture : 


1643, A la mort de son père, la jeune Emilie Le Guilvinec quitte sa Bretagne natale pour devenir préceptrice dans le Marais, à Paris, chez la comtesse Arsinoé de La Tour. Sa culture, son esprit et sa fraîcheur lui ouvrent la porte des salons littéraires. Emilie rencontre les fameuses précieuses qui se piquent de lettres et d’érudition. L’ambitieuse suscite vite des jalousies. Dans les tourments du royaume déchiré par la Fronde qui traumatise Louis XIV enfant, l’attachante Bretonne se débat au coeur des jeux de pouvoir et confie à son journal ses troubles, ses rêves, ses passions aussi. Saura-t-elle se jouer de l’arrogance et des volte-face de cette noblesse dont elle ne partage pas le sang ? Maintiendra-t-elle son rang au milieu de ces brillantes amazones qui excellent dans l’art de la conversation et de la raillerie ? Pourra-t-elle aimer l’homme qu’elle a choisi plutôt que celui qu’on lui impose ? Son ascension la conduira-t-elle à sa perte ? Plongée dans l’univers des salons, ce roman palpitant est aussi une grande histoire d’amour nourrie de rebondissements et d’intrigues.


 

Au bord de l’enfance, à peine jeune femme, Emilie Le Guilvinec est une douce rêveuse. Son père, Paul, est tavernier à Locronan et également marchand de vins à Paris. Amoureux des belles lettres, il dépense ses économies dans de beaux ouvrages, caresse du regard sa bibliothèque grandissante et transmet naturellement cet amour de la littérature et de la langue française à sa fille. Aimant et protecteur, il impose constamment sa volonté à sa femme qui souhaiterait marier sa fille ou lui trouver une place de servante. Paul, oublieux de leur condition et du peu de fortune qu’ils possèdent, désire mieux pour sa fille : père imprudent, il aime lui narrer la cour, les duchesses et marquises, les salons littéraires et poétiques aux belles femmes fortunées, parfumées, lettrées. Emilie grandit dans ce rêve de richesse, dans cette illusion de liberté intellectuelle : se dessine dès lors les défauts de cette jeune fille, que les ambitions rendent prétentieuse.


Tristement, Paul décède. Emilie n’a pas le temps de se laisser aller au chagrin : sa mère décide de vendre l’auberge aux revenus trop maigres et impose à sa fille une place de gouvernante dans une famille fortunée, à Paris. C’est le départ vers une nouvelle vie, sa chance de réussir grâce à son intellect. Assidue, elle s’investit dans l’éducation des deux enfants qui lui sont confiés par la comtesse de La Tour et acquiert progressivement leur confiance, presque leur respect. Elle peine à trouver sa place, mais se montre téméraire et doucement, se fait accepter. La comtesse Arsinoé de La Tour remarque son intérêt pour les livres, sa curiosité intellectuelle et lui demande de rédiger un petit billet. Charmée par la plume d’Emilie, Arsinoé souhaite s’octroyer les talents de la jeune fille : elle lui propose alors de l’accompagner chez ses amies les Précieuses. Heureuse de cette confiance inespérée, Emilie accepte et apprend à rester en retrait d’Arsinoé, toujours prête à dissimuler dans l’éventail de celle-ci une habile joute verbale. 


Cependant, en exploitant ainsi Emilie, Arsinoé flatte inconsciemment l’égo de cette dernière, qui a toujours rêvé de côtoyer ces femmes cultivées et intéressées par les arts. Emilie n’osait rêver approcher un jour de ces salons littéraires : la voici à présent qui souhaite plus, toujours plus. Emilie souhaite se distinguer, se faire remarquer. Elle aimerait dépasser sa condition, devenir une Précieuse. 


Grâce à l’amitié que lui porte Arsinoé, Emilie épouse un magistrat âgé, fortuné et peu exigeant. Tout juste mariée, Emilie de La Motte décide de changer l’apparence de sa nouvelle demeure et d’effacer les souvenirs de feu Madame de La Motte, qu’importe les désirs de son époux qu’elle ne prend pas la peine de consulter. Elle dépense en meubles, en robes, en chapeaux et souliers, en parfums, poudres et onguents, en livres et mouchoirs délicats. Ingrate envers son vieux mari qui ne lui refuse rien, Emilie cultive ses défauts : orgueilleuse et ambitieuse, elle devient arrogante. 


Le roman se prolonge sur une dizaine d’années et explore les troubles qui éclatèrent en France entre 1648 et 1653, pendant la régence d’Anne d’Autriche et sous le ministère du cardinal Mazarin. Assurément, l’auteur Emmanuelle de Boysson possède de solides connaissances en Histoire : le roman est très riche en détails, explications et s’appuie sur de nombreuses références. Hélas, je crains que ces multiples citations ne subliment pas la romance ! Quel ennui ! Je ne reproche pas à l’auteur le contenu de son ouvrage, qui a beaucoup à offrir, mais plutôt ses choix narratifs : j’aurais souhaité que l’Histoire soit imbriquée dans l’histoire d’Emilie.


Il est vrai que les deux se rejoignent, puisque Emilie est contemporaine de ces batailles, complots et autres machinations, cependant elle n’y participe guère, ne se préoccupant que de sa renommée et de ses relations amoureuses ! Ce sont les amies de ses quelques relations qui relatent les faits entre elles, alors qu’Emilie, curieuse et soucieuse de s’intégrer au petit groupe, laisse traîner son oreille et écoute les conversations, ce qui permet au lecteur de suivre – de loin ! – les évènements. Son mari, passionné et acteur des évènements politiques, est également un habile moyen de fournir au lecteur quelques explications supplémentaires. Tant de narration et si peu d’action concrète ! Le lecteur ne vit pas, ne ressent pas les évènements politiques et historiques : il n’en est même pas le spectateur direct. De nombreux personnages historiques sont évoqués : Anne d’Autriche, Mazarin, Louis XIV, Condé, Conti, Gondi, Longueville, etc. mais ces derniers demeurent des citations, seuls Beaufort et la Grande Mademoiselle deviennent des personnages ! Le roman n’est donc pas vivant et m’a fortement déçue car je ne souhaitais pas recevoir un cours d’Histoire, mais plutôt vivre celle-ci. 


Par ailleurs, la quatrième de couverture n’évoque que brièvement les évènements politiques et laisse penser que les Précieuses et leurs salons littéraires sont au coeur de ce roman. Or, si quelques passages évoquent leurs joutes verbales, leur intérêt pour la poésie et la littérature, leurs efforts pour renouveler régulièrement les jeux intellectuels, point de description de ces derniers. Seuls deux billets rédigés par Emilie pour la comtesse viennent illustrer ces jeux d’esprit, mais laissent le lecteur sur sa faim. J’espérais pénétrer ces salons littéraires, percer leurs plaisirs intellectuels, admirer peut-être l’art de la répartie de ces dames. J’aurais souhaité découvrir la littérature française du point de vue de ces femmes lettrées et savantes. Hélas, aussi riche que soit ce roman, il n’explore pas les multiples facettes de ces femmes d’un autre siècle. Emmanuelle de Boysson s’est concentrée sur la politique et mêle ces femmes aux intrigues et aux complots, les conversations sont tournées vers l’Histoire – et lorsqu’enfin on change de sujet, ce n’est que médisance. Le lecteur se doute que ces cercles de femmes étaient propices aux commérages et aux trahisons : était-ce nécessaire de les mettre autant en exergue? Ce roman m’a fatiguée et lassée : j’imaginais les voix perçantes et haut-perchées de ces dames, ce bourdonnement constant dans leurs petites chambres confinées, et toujours ces indiscrétions, ces cancans de femmes. 

Où est donc passée la préciosité? Ce raffinement dans la manière d’être, cette complexité dans l’analyse des sentiments, ces jeux d’écriture et autres divertissements représentatifs d’un phénomène sociolittéraire du XVIIème siècle français sont pratiquement inexistants dans ce roman. 


Enfin, quelques mots sur l’histoire d’Emilie : une vie romanesque, beaucoup de rebondissements, je pense que la trame de fond était prometteuse. Malheureusement, cette histoire m’a déçue : outre les problèmes que j’évoque ci-dessus, le caractère d’Emilie est insupportable. Je n’arrive pas à comprendre précisément quel ingrédient manque à cette histoire : Emilie n’a déclenché chez moi aucune émotion ou empathie. Elle m’a agacée. Très portée sur sa personne, souhaitant toujours se mettre en avant, faire apprécier des qualités qu’elle ne possède pas, je la juge vaniteuse et égoïste. Un trait de caractère qui s’accentue au fil des pages, et que rien ne vient ébranler. Peut-être un brin de douceur, un rien de bonté ou de tendresse m’aurait rendu ce personnage plus agréable ? 

 

 

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Malgré cette déception, je remercie les éditions http://www.avousdelire.fr/2010/medias/images/j_ai_lu_petit.jpg ainsi que Karine du http://i87.servimg.com/u/f87/12/37/52/41/i_logo10.jpg pour cette découverte qui m’a replongée dans l’Histoire de France ! Une fiévreuse envie de retourner auprès d’Alexandre Dumas, dont je savoure toujours les oeuvres !