Le plus petit baiser jamais recensé

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Ecrit par Mathias Malzieu

Publié le 20 mars 2013 aux éditions Flammarion.

Quatrième de couverture :
L’histoire d’amour entre une fille qui disparaît quand on l’embrasse et un inventeur dépressif. Alors qu’ils échangent le plus petit baiser jamais recensé, elle se volatilise. Aidé d’un détective à la retraite et d’un perroquet hors du commun, l’inventeur part à sa recherche.

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Mathias Malzieu est célèbre pour ses romans mais également grâce au groupe de rock français Dionysos dont il est le chanteur. La mécanique du coeur, ouvrage publié en 2007 chez Flammarion, a largement contribué à la popularité de l’écrivain et ce sont les nombreux avis positifs que j’ai lu ces dernières années à propos de cet ouvrage qui m’ont donné envie de découvrir la plume de Mathias Malzieu au travers de son dernier roman intitulé Le plus petit baiser jamais recensé, paru en mars 2013.

« Un éclair de peut-être, violemment joyeux. »

Le plus petit baiser jamais recensé est un roman très court de moins de 150 pages. Le texte est très aéré avec des marges importantes, des sauts de lignes plus que fréquents et des pages entières totalement vierges entre chaque chapitre. Ce fut une première déception, puisque ce roman est tout de même vendu 17€50. Mais oublions cet aspect financier, l’excellence d’un texte de dépend pas de sa longueur – je songe par exemple à la talentueuse nouvelle La Tombe des lucioles écrite par Akiyuki Nosaka en 1967 – et c’est très impatiente et enthousiaste que j’ai commencé la lecture de ce roman.

« Il existe des femmes dont le mystère s’évente d’un seul coup lorsqu’elles se mettent à rire. Comme si quelqu’un allumait des néons de salle de bains au milieu d’une forêt de conte de fées.
Toi, tu fais pousser des forêts de conte de fées dans un bouquet de néons. »

Hélas, dès les premières pages je fus désenchantée. J’attendais une plume poétique voire même lyrique, des mots envoûtants et qui chantent sous les yeux. J’attendais beaucoup de qualité, et n’en trouvait aucune.

Ces premières pages furent pour moi d’une incroyable cruauté. Devais-je en vouloir à l’auteur ou à ses admirateurs ? La promesse d’un récit magique, rêveur et plein d’enchantement n’était pas tenue ! Je me suis trouvée face à un texte très fade et prétentieux, dont la construction méprise certaines règles de syntaxe élémentaires – je pense par exemple à l’expression de la négation – et dont le vocabulaire banal et souvent grossier m’a semblé spontané et profondément irréfléchi. C’est un texte qui se veut moderne et impulsif, mais la modernité est-elle l’expression recherchée du rêve et de la beauté ? N’est-ce pas justement cette modernité affligeante que l’on cherche à oublier lorsque l’on se plonge dans un livre ? Sous couvert d’un ton frais et léger, presque joyeux, Mathias Malzieu raconte une histoire originale mais qui ressemble plus à une anecdote de comptoir qu’à une nouvelle savamment imaginée, tant le récit manque de profondeur et de saveur. Les personnages ne sont que très peu décrits physiquement et l’on s’attarde encore moins sur leur personnalité ou leur histoire. Les sentiments sont eux-aussi très superficiels et dénués d’intérêt car le narrateur tombe éperdument amoureux d’une image ! Qu’importe le prénom, la voix ou l’esprit : on s’attarde sur le visuel, sur l’esthétisme convenu de la jeunesse dansante, sans chercher à voir au-delà. Toujours cette modernité abrutissante ! 

« Étais-je suffisamment armé pour affronter mes démons ? Les fées-romones pouvaient bien me planter leur baiser-flèche en plein corps, mon coeur, lui, logeait dans les douves d’un château coffre-fort dont j’avais avalé la clé. »

Je fus encore plus déçue par la poésie artificielle du texte. En effet, l’auteur s’est efforcé de masquer la médiocrité de sa plume par une illusion littéraire permanente, alliant le pouvoir des métaphores à des jeux de mots faciles. Les personnes, les objets, les sensations : chaque élément de ce texte est sujet à une transformation conceptuelle, chaque mot est déguisé par un autre. C’est le grand bal masqué des mots ! Il y a certes quelques jolies trouvailles métaphoriques, mais bien trop peu pour mettre en évidence un quelconque talent justifiant d’un tel choix stylistique. Maltraitées par un écrivain peu scrupuleux, les figures de style sont employées et déployées outre mesure, et font fonction de maquillage à un texte dénué de profondeur et de charme. J’étais usée de tant d’esthétisme forcé. 

« Après des mois d’efforts quotidiens, l’appartement de la rue Brautigan se transforma en atelier. J’avais commencé par faire pousser des fleurs d’harmonica sur le plancher. J’en récoltais environ un par semaine. Puis ce fut le tour des ukulélés, d’une très vieille guitare du Mississippi et d’une famille de skateboards. Je m’étais même lancé dans l’élevage d’écureuils de combat, qui nichaient dans le grenier de l’immeuble. Du chauffage pour l’esprit, des outils pour retrouver le courage d’inventer. Je n’avais pas le choix et je le savais. »

Enfin, je suis restée insensible à la bizarrerie de l’histoire. Certains lecteurs qualifient ce texte de loufoque, d’autres évoquent la magie des rêves… Ces définitions ne s’accordent pas selon moi avec ce texte, qui n’est pas aussi outrageusement fantaisiste que certains le prétendent. En vérité, il s’agit d’une histoire très banale que l’auteur a entrepris de rendre originale par l’introduction d’éléments farfelus. Malheureusement, ces éléments sont tout juste survolés et il est donc très difficile de les imaginer, et même de les mémoriser. Ainsi, même l’extravagance du texte manque de profondeur et je ne me suis pas prise au jeu de l’auteur. 

« Ce souvenir avait fait pousser une fleur étrange au fond du trou d’obus qui me servait de coeur. Ce n’était qu’une rose à la con, à peine un coquelicot. Mais c’était joli à regarder dans les décombres. Elle me donnait de la force. »

Je ne retiens de ce texte qu’une histoire d’amour esthétiquement agréable, bien que franchement fatigante, et qui manque singulièrement de charme et de profondeur. De plus, une histoire d’amour naissante entre une jeune femme qui disparaît fréquemment et un jeune homme abasourdi par la situation mais néanmoins amoureux n’a rien de nouveau ! Le roman Et si c’était vrai, écrit par Marc Lévy il y a quelques années, propose une histoire similaire sur le fond mais bien plus touchante et sincèrement mieux écrite ! 

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Je remercie vivement les éditions Flammarion pour la confiance dont ils m’honorent.