Amarok

Amarok,
par Bernard Clavel

Publié en 1989.
 
Je vous invite à découvrir, à travers ces quelques mots, un livre bouleversant. Certainement le plus merveilleux livre qu’il m’ait été donné de lire.



Pas de quatrième de couverture,
mais plutôt quelques mots de Jean-Claude le Covec, du Figaro Magazine.

« Amarok, chien de trappeur, avec son animalité chaleureuse, est le trait d’union vivant entre l’homme du Grand Nord et les horizons glaciaires, désolés, où il se plait pourtant à vivre. Son maitre, soixante ans, pionnier des rives de l’Harricana, protège la fuite du fils d’un de ses amis, coupable du meurtre involontaire d’un agent de la police montée. La banquise immaculée de la baie d’Hudson continue d’exercer une séduction irrésistible sur le trappeur canadien. C’est son royaume. Cet amour mystique entre l’homme et la nature, Bernard Clavel, livre après livre, en perfectionne la narration. Son lyrisme est toujours aussi envoûtant. »



Très difficile pour moi de trouver les mots corrects pour vous parler de cet ouvrage…

Les quelques mots que j’ai retranscrits ci-dessus vous permettent de comprendre globalement l’histoire…mais c’est tellement, tellement plus que ça!! Ne vous y méprenez pas : ce livre n’est pas une enquête policière, ni une lutte criminelle : c’est un éloge de la vie, de l’humanité, de l’animalité, de la fraternité et du Grand Nord.

Les premières pages de ce roman m’ont totalement déroutées… On entre dans l’histoire de but en blanc, presque brutalement. L’histoire? Oui et non, car on ne sait rien, on découvre. L’écriture de Bernard Clavel est très particulière, assez brutale, elle est en réalité en adéquation totale avec les personnages. C’est la réalité qui est retranscrite. Tout y est très fort : les descriptions, les personnages, les événements, les sensations, les paysages,… J’ai été transporté dans le Grand Nord canadien, parmi des personnages rudes mais très humains.

« La poitrine du trappeur se gonfle pour un profond soupir. L’eau a ruisselé et des gouttes dorées tremblent dans ses poils blancs tout frisés. Il ne porte qu’une espèce de caleçon allant jusqu’au-dessous des genoux. Le tissu tendu moule ses cuisses dures. Se tournant vers sa couchette, il se penche pour chercher ses vêtements. Sur son large dos, les muscles roulent. La clarté de la lampe y trace un instant un sillon pareil au reflet mouvant de la lune sur un lac remué de houle. Il enfile un épais tricot de laine sans forme ni couleur précises. Il passe un pantalon de gros velours lustré aux genoux et sur les cuisses, chausse des galoches. »

Tout va très vite dès le départ. On lit le récit d’une bagarre – un agent de police va décéder par la suite de ses blessures -, les personnages se multiplient et les avis se confrontent, dans un franc-parler très réaliste. Amarok est très peu présent, mais déjà on apprend à le connaître.

Très vite également, on entre dans le Grand Nord canadien. La plume de Bernard Clavel est majestueuse : l’auteur ne veut pas seulement nous faire entrer dans l’histoire, parmi les personnages, il désire nous attirer dans le Grand Nord. Les paysages ont défilé devant mes yeux alors que je lisais les descriptions magnifiques qui en sont faites. J’ai entendu le Nordet souffler au travers des forêts.

« Vers le milieu de la matinée, le ciel se déchire. Un coup de vent porteur de lumière passe par l’accroc pour balayer la forêt puis le lac d’un pinceau soyeux. Les brument se lèvent. »

« Le déluge s’est installé. Son train régulier devient le seul bruit. Un roulement continu fait de mille notes différentes dominées par la basse des tôles qui résonnent. Les feuilles rousses ou blondes encore accrochées aux branches tombent comme si le poids de cette eau les entraînait vers la mort enfouie sous le sol de cette île. Ils attendent, pareils à trois bêtes somnolentes. De temps en temps, Amarok pousse un énorme soupir sans décoller sa tête de ses pattes. Quand, parmi ce concert d’égouttements et de ruissellements, un bruit lui paraît suspect, il se redresse, ses oreilles pivotent deux ou trois fois, puis il se recouche, un peu déçu. »

« Raoul descend tranquillement l’Harricana. Il se tient au milieu, où le courant pousse le plus fort. Les berges sortent peu à peu du tissu serré de l’averse pour venir à sa rencontre. A mesure qu’il avance, la nuit fait comme lui. Lentement, elle gagne du terrain. Elle sourd des buissons, des arbres, des nuées invisibles et du fleuve pour s’installer partout. Raoul la voit venir avec joie. Quand elle sera là, il n’y aura plus aucun risque de rencontrer personne. »

Le roman est passionnant. Au fil des pages, les descriptions et les événements s’entremêlent, grâce à des mots très bien choisis. Tout y est réaliste et très beau, même le mal.

« – Ecoute-moi, maudit fou !

Catherine est redevenue soudain la sœur aînée ; la femme raide comme un pieu, devant qui tout le monde a toujours plié. Le métal de son regard luit, ses rides expriment la volonté, le besoin intense d’être entendue. S’approchant de son frère, elle l’empoigne par les revers de sa grosse veste et le secoue. Il y a dans ce geste tout l’amour que le regard et la voix se refusent à exprimer. »

« Le nordet a eu vite fait de nettoyer le ciel. Le givre n’a duré que quelques heures. Un grand soleil s’est levé derrière la forêt dépouillée et luisante. Depuis, les nuits sont froides. Les journées lumineuses avec de longs passages de feuilles roux et or que des rafales soulèvent du sol. Ils traversent les terres nues de Val Cadieu comme un reste d’automne s’enfuyant devant l’hiver. Les arbres sont scintillant ; la glace friable dans les ornières et les creux. »

Amarok n’est jamais au premier plan, ce contraste par rapport au titre du roman m’a étonné. Mais y a-t-il vraiment un personnage principal? Ce que l’on ressent, c’est la fraternité qui unit les personnages. Ils sont égaux face aux problèmes et au Grand Nord, ils s’entraident, se soutiennent. Une belle leçon d’humanité et de fraternité, mais également d’animalité : Amarok les protège. Toujours, il veille. Son maître lui accorde une totale confiance, et très vite on peut se rendre compte de l’amour qui les lie.

« Amarok ne dort pas. Depuis longtemps, les autres chiens se sont tus et c’est la respiration de la forêt qu’il écoute. Son bruissement presque métallique. De temps en temps il se lève, secoue le givre de sa toison et fait à petits pas silencieux le tour de l’écurie et de la maison. Puis il revient s’allonger contre la porte. Il respire avec délices ce vent venu des immensités du Nord, et qui apporte l’hiver. »

Amarok prend plus de place au fur et à mesure du roman; roman qu’il faut lire pour comprendre à quel point les mots utilisés à son propos sont forts. Grâce à Amarok et à son maître, on apprend quantité de choses sur les chiens de traineaux, et notamment sur la manière de diriger ces derniers.

Les événements sont parfois très durs. Timax, en fuite, apprend que l’agent de police est décédé. La folie s’empare alors doucement de lui. Les passages sont très bien écrits, les descriptions collent à la réalité et les émotions n’en sont que plus fortes. On comprend le désespoir de Timax, mais encore plus celui de son ami et protecteur Raoul. La peur, le désespoir, l’amitié, le courage : les sentiments nous atteignent tous sans distinction aucune.

« Comme Raoul s’approche de lui, il se lève et, pareil à un enfant qui fuit les coups, il tourne autour de la table en implorant :

-Me touche pas… m’approche pas… Je suis un assassin !

S’immobilisant soudain, il pousse une sorte de hurlement de rage et empoigne à deux mains le devant de sa chemise qu’il déchire. Raoul fait trois pas rapides et le gifle deux fois à toute volée.

Les cris cessent aussitôt. Sa bouche s’ouvre comme s’il manquait d’air, ses yeux égarés, encore pleins de larmes, expriment un immense étonnement. Ses bras tombent, ses mains énormes s’ouvrent et lâchent les morceaux de tissu. Raoul s’approche encore et, le prenant dans ses bras, maladroit, il le serre contre lui de toutes ses forces. D’une voix qui tremble il souffle :

-On va partir tous les deux. On va foutre le camp au nord. Tout au nord. Y pourront jamais nous avoir…Jamais. »

C’est un roman très réaliste : rien n’est trop bon, rien n’est trop mauvais. A la folie et à la peur de Timax se mêle la beauté du paysage.

« La forêt est bavarde. C’est une belle nuit pour marcher, pour s’asseoir et écouter. Pour aller son petit train solitaire, sans hâte ni crainte. En ce moment, le trappeur se trouve juste à la frontière des bruits. A l’endroit où ils se rencontrent, se heurtent, se repoussent et finissent par se marier. Celui de la forêt paraît plus puissant que celui du fleuve, pourtant, il ne l’écrase pas totalement. Que ce soit dans les arbres ou sur l’eau, c’est toujours le vent qui va de la gueule, mais avec un langage différent. Le dialogue n’est jamais régulier. Il passe de la joie à la colère. Raoul connaît ses propos depuis toujours ; à chaque départ il les retrouve avec le même bonheur. »

Je souligne le passage ci-dessous qui m’a marqué; les écrits français sur les impressions des Canadiens suite aux Grandes Guerres sont en effet trop rares :

« -Je ne sais pas trop bien ce que c’est, le nazisme. Mais je me souviens de l’autre guerre. C’est pas si loin. Les émeutes à Québec, de ceux qui voulaient pas partir. Et tous ces jeunes qu’on a envoyés se faire tuer, puis les estropiés et toute cette misère. A quoi donc que ça a servi, si on se remet à nous chanter la même chanson !

Catherine, qui a semblé un moment inquiète, se redresse sur sa chaise.

-Vous avez raison, Marceline. Les Français nous ont laissés tomber ! A présent qu’ils sont du côté des Anglais, s’ils ne sont pas assez malins pour régler leurs comptes avec Hitler, c’est pas à nous de nous en occuper.

-Certain que si les pauvres gars qu’on a fait débarquer à Dieppe, au mois d’août, étaient partis dans le bois, y en aurait pas un millier de tués. »

Je ne peux pas vous en dire plus. Je n’ai pas pu décrocher des dernières cent pages. Je me répète, mais à nouveau je le souligne : tout est très fort dans ce roman. Les dernières pages m’ont provoqué quelques larmes, ce qui est rare me concernant… Elles soulignent ainsi le talent de l’auteur qui a su décrire des événements tragiques avec beaucoup de beauté et de douceur.

Ce roman a su m’éblouir. Les sentiments, très forts, m’ont bouleversés, notamment ceux qui unissent Raoul et Amarok. La force du roman réside, je pense, en son réalisme : les dernières pages marquent bien ce choix d’écriture, où l’on comprend que la vie continue quoiqu’il arrive.

Enfin, je tiens à souligner que ce roman n’a strictement rien à voir avec Croc-blanc de Jack London, que je n’ai malheureusement jamais pu apprécier.

 

Découvrez un autre avis sur ce roman : cliquez !

 

—>>> Pour aller plus loin…
 

-Ce roman est en fait le quatrième tome de la série Royaume du Nord de Bernard Clavel. Je n’en savais rien, et j’ai lu ce livre en premier. Peu importe : les romans sont quasi indépendants les uns des autres! Toutefois, les autres tomes sont à découvrir… Je vous invite à consulter cette bibliographie très claire, où vous pourrez trouver, non seulement tous les autres titres de la série, mais également d’autres séries écrite par Bernard Clavel : la bibliographie.

-Pour découvrir Bernard Clavel, c’est par ici : la biographie 

-Découvrez la signification de « Amarok » : cliquez ! 

-Je vous invite également à vous tenir informé : Bernard Clavel est un écrivain actif, et ses livres sont toujours publiés… (le plus récent : novembre 2009)

8 comments

  1. philo says:

    Je te remercie pour ce lien. Je me permettrei d’en faire autant pour ton article très éloquent. A bientôt j’espère pour d’autres échanges « livresques ».

  2. Jennifer says:

    Je suis certaine qu’il te plaira ^^ donne moi ton impression après lecture, voire un lien vers ton commentaire si tu en écris un :) !!! @ bientôt

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