Le Puits au bout du monde – Livre 1 : La Route vers l’amour

 

 

Le Puits au bout du monde 

Livre 1 : La Route vers l’amour


Ecrit par William Morris

Traduit en français par Maxime Shelledy.

Publié en 2012 aux éditions Aux Forges de Vulcain,

Collection Littératures, 177 pages.

 

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fa/Wmmorris3248.jpgWilliam Morris est célèbre outre-atlantique, mais fort peu connu en France. Personnage singulier né en 1834 et décédé en 1896, il mena une existence si incroyablement riche que l’on peut raisonnement écrire qu’il a vécu non pas une, mais plusieurs vies. Grâce à David Meulemans, éditeur des Forges de Vulcain, j’ai découvert cet écrivain dont je ne connaissais que le nom et plutôt que de vous envoyer sur Wikipédia, je préfère donner la parole à David Meulemans qui présente cet homme exceptionnel lors d’une interview donnée au salon du livre à Paris et dont j’ai porté à l’écrit cet extrait :


« William Morris c’est un victorien, c’est un contemporain d’Oscar Wilde, c’est quelqu’un qui est très connu mais de manière diffuse parce que c’était un architecte, c’était un décorateur d’intérieur, c’était un militant politique socialiste, c’était un peintre, c’était un poète, c’était un romancier, c’était un traducteur : il a tout fait et quand il est mort, le médecin sort de sa chambre où il vient de mourir et s’adresse aux amis de William Morris…les gens lui demandent « de quoi est mort William Morris ? » et le médecin répond « William Morris est mort d’avoir été William Morris », c’est à dire d’avoir vécu mille vies là où il n’en vivait qu’une. C’est donc un personnage très riche et parmi ses différentes vies, il y a eu une vie où pendant une quinzaine d’années il a écrit de manière intensive des romans de Fantasy. C’est un des précurseurs de Tolkien et de C.S. Lewis, qui est cité dans leur correspondance… Ça ne retire rien au génie de Tolkien et de Lewis ! Mais, ce sont des récits qui sont très impressionnants parce que William Morris est une charnière entre Walter Scott, qui faisait du récit de chevalerie, et Tolkien et Lewis qui sont les pères de la Fantasy, et chez William Morris il y a l’introduction du fantastique dans la chevalerie et c’est ça qui crée la Fantasy. Avec en plus le fait que William Morris, c’était quelqu’un qui était peintre et imprimeur, donc il a un sens du détail, de l’orfèvrerie, du décorum qui est absolument fantastique, donc c’est très bien écrit, les scènes sont d’une beauté plastique fantastique, ce sont des vrais tableaux préraphaéliques, en plus c’est un bon narrateur, il est superbement traduit, c’était aussi quelqu’un qui était militant politique, donc il y a un vrai propos politique dans tous ses romans […]. »


L’interview de David Meulemans peut être visionnée dans son intégralité sur cette page internet. J’en profite pour remercier toute l’équipe de Libfly qui met à disposition des internautes de nombreuses interviews et autres belles découvertes autour des livres.

 

le puits au bout du monde

 

Rodolphe, le plus jeune fils du roi des Haults-Prés, un petit pays paisible, s’enfuit de chez son père pour partir en quête d’aventures et vivre la vie d’un chevalier errant. Chemin faisant, il apprend l’existence d’un puits magique à l’eau miraculeuse, et se met en devoir de le découvrir. Son périple le mènera par monts et par vaux, de hameaux en citadelles, par-delà les prairies, les forêts et les landes arides. Le jeune aventurier y rencontrera toutes sortes de personnages, parmi lesquels les bergers-guerriers du Pays-des-Collines, un mystérieux chevalier noir, un moine lubrique, une troupe de joyeux hors-la-loi et une merveilleuse sorcière dont il tombera éperdument amoureux. Quête initiatique, roman d’éducation fantastique, récit d’aventures, Le Puits au bout du monde (1896), dont La Route vers l’amour est le premier des quatre volumes, a durablement influencé la littérature fantastique anglaise et particulièrement ses deux maîtres, C.S. Lewis et J.R.R. Tolkien.

 

 

Un roi, père de quatre garçons, règne sur une petite contrée où il fait bon de vivre. Cependant, ses fils ont soif de découvertes, de batailles et de bravoure : ce sont de beaux chevaliers qui souhaitent faire leur preuve et connaître l’aventure. Las de leurs demandes répétées, ce bon roi finit par céder et leur propose de tirer au sort chacun une paille. D’après la longueur de celle-ci, les chevaliers partiront vers le Nord, l’Est ou l’Ouest, cependant celui de ses fils qui piochera la plus petite des pailles devra repartir à ses côtés pour veiller sur le Royaume et devenir roi à sa suite. C’est Rodolphe, le plus jeune de ses fils, qui est désigné par le sort pour rester dans le paisible pays des des Haults-Prés, tandis que ses frères partent dans des directions opposés. 

Tout d’abord résigné, Rodolphe ne parvient pas à accepter son destin et décide de partir à l’insu de sa famille vers le Sud, dans une soif d’aventures et de liberté. 

Au-delà d’un quête d’aventures, il s’agit surtout d’un voyage initiatique grâce auquel Rodolphe va découvrir différentes sociétés et différents mœurs, et va surtout se découvrir lui-même. 


Le puits au bout du monde est un roman, pourtant lors de ma lecture j’ai tout de suite reconnu l’univers propre aux contes. L’intrigue tout d’abord m’a rappelé un conte de mon enfance dont je suis bien incapable aujourd’hui de me remémorer le titre, mais qui commençait de manière tout à fait semblable – un roi, quatre jeunes fils, quatre pailles tirées au sort et le départ vers les quatre points cardinaux. Le style ensuite, à la fois doux, poétique et rêveur, est caractéristique de ces récits de notre enfance. Enfin, les personnages ne sont pas aussi épais qu’ils devraient l’être dans un roman : Rodolphe rencontre différents personnages mais aucun, à commencer par Rodolphe, ne possède une véritable personnalité. Par contre, ils sont assez bien décrits physiquement et possèdent en général un trait de caractère très marqué, ce qui est propre aux contes. Ainsi, il ne s’agit pas d’un de ces romans fouillés grâce auxquels on peut s’identifier à l’un des personnages et faire siennes ses aventures, mais plutôt d’un récit très doux et léger dans lequel les personnages sont tels des acteurs que l’on regarde évoluer avec plaisir. 


Par ailleurs, il ne s’agit pas d’un roman fantastique au sens moderne : nul dragon, nul nain, elfe ou monstre, par contre un univers totalement imaginaire et des paysages créés par l’esprit. C’est en cela que le roman est fantastique. Toutefois, bien qu’imaginés et portant des noms inventés, les différents villages m’ont semblé très réalistes et proches de notre réalité. En cela, le roman m’a déçu : j’espérais plus de rêves et de dépaysement. 

La plume de William Morris comble ce manque par un style très agréable et soigné, mais qui doit beaucoup dans sa version française à la magnifique traduction de Maxime Shelledy. En effet, j’ai lu sur internet quelques extraits du roman original et il faut reconnaître que celui-ci est écrit dans un anglais archaïque et peu accessible ! Maxime Shelledy a dépoussiéré le roman original et l’a traduit dans une version plus moderne et distrayante, mais qui respecte cependant le temps et le vocabulaire des romans de chevalerie. L’ensemble est très agréable et certaines descriptions sont très jolies, j’ai passé un agréable moment lors de ma lecture.


Enfin, il ne s’agit que du premier tome du Puits au bout du monde, il est donc difficile pour le moment de tirer un véritable enseignement de ce récit. Toutefois, on ressent dans ce premier livre le parti pris de l’auteur pour le mouvement politique socialiste. Le clergé par exemple, dont la demeure n’est que luxure, est subtilement critiqué, tout comme l’esclavage qui est dénoncé et rejeté par Rodolphe lorsqu’il découvre les mœurs du bourg des Quatre-Bosquets. Les critiques sont légères et déguisées, et de ce fait n’alourdissent pas le récit qui reste captivant et agréable. 

J’avoue avoir été frustrée par les dernières lignes qui laissent l’histoire en suspend et j’apprécierai donc de lire le second tome afin de découvrir la suite des aventures de Rodolphe ainsi que son retour dans son pays natal.


« Où allez-vous donc, seigneur, en cette demeure sylvestre, logis des détrousseurs et des cerfs ? Si seulement les cerfs pouvaient élire un chef et s’unir pour anéantir les voleurs ! et bien d’autres encore dans la même foulée !

-Je pourrais difficilement te répondre, ne le sachant pas moi-même, répondit Rodolphe. Je pensais, il y a peu, me rendre au bourg des Quatre-Bosquets, mais c’est à présent vers La Ferté-sous-Faloise que je dirige mes pas.

-Vraiment ? s’étonna le gaillard. Si le diable mène la course, c’est en enfer que nous irons.

-Que veux-tu dire par là, brave homme? s’enquit Rodolphe. Est-ce donc un lieu si maléfique?

Il se disait, en effet, que l’aventure de la belle captive n’était pas sans refermer quelque sortilège.

-Si vous n’étiez étranger à ces lieux, je n’aurais guère à vous répondre, rétorqua l’homme. Je vais donc satisfaire votre curiosité, mais pas avant que nous ayons mangé, car j’ai grand-faim. Il y a dans cette besace du fromage et du pain que je serais ravi de partager avec vous, si le coeur vous en dit, car votre jeunesse et la fraîcheur de votre teint me disent que vous devez, vous aussi, avoir faim.

Et Rodolphe de s’esclaffer :

-C’est le cas en effet ! Et je peux également t’aider à dresser cette table champêtre, car il me reste quelques miettes dans ma musette. Asseyons-nous donc et mangeons ! »


Le Puits au bout du monde est donc un roman de chevalerie et de fantastique écrit sous la forme d’un joli conte et qui peut agréablement distraire et éduquer, sans prétention aucune, enfants, adolescents et adultes rêveurs.



Je remercie sincèrement David Meulemans ainsi que les éditions Aux Forges de Vulcain pour la confiance dont ils m’honorent.