Une ombre au tableau

Ecrit par Joseph Hone,

Publié aux éditions BakerStreet,

Broché, 344 pages – 21 €.

(Résumé personnel)

Alors que Ben vient d’assister aux funérailles de sa mère et enchaîne les verres d’alcool lors de la réception funéraire, une femme, discrète mais sûre d’elle, s’avance vers lui et semble l’attendre pour avoir une conversation. Ce n’est cependant pas son attitude qui retient l’attention du narrateur, mais plutôt son apparence : cette femme est le sosie de sa compagne, Katie, qui s’est donnée la mort brutalement et sous ses yeux quelques jours plus tôt. La ressemblance est entière et bouleversante : les cheveux, le visage, le corps, l’attitude, les petits défauts, tout lui rappelle Katie. Attiré par cette apparition, Ben fait quelques pas vers elle et engage la conversation : commence alors le début d’une enquête menée de front par ces deux personnages.
Car oui, c’est bien un vrai mystère qu’apporte Elsa : son père, avant de mourir, lui a dit qu’il fallait absolument que Ben lui explique. Mais que doit-il lui expliquer ? Les meubles vont révéler des secrets, le grenier s’avérer plus qu’un nid à poussières et très vite, les deux protagonistes vont prendre le large vers Paris, se laissant entraîner par un secret en lien avec les nazis et le vols d’objets précieux lors de la grande guerre… Au-delà de cette aventure, le peintre dont la muse s’est éteinte saura-t-il retrouver le goût du bonheur et le plaisir de peindre grâce à Elsa, copie trop parfaite de sa bien-aimée défunte ?…

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Cinq jours à lutter vaillamment contre mes sentiments, en lectrice indulgente et généreuse, pour finalement abandonner ce livre à la centième page. Je n’abandonne jamais un ouvrage, aussi j’écrirais plutôt que c’est ce livre qui m’a abandonnée, puisqu’il me semble que Joseph Hone, l’auteur de ce texte, a pris le parti d’écrire pour lui-même et non pour ses lecteurs.

En effet, si la plume est agréable – un vocabulaire riche et soigné, une syntaxe correcte et un rythme harmonieux – elle est hélas bien mal exploitée. Cent pages de lecture, et presque rien à raconter ! Le récit se nourrit de dialogues internes et de réminiscences sans fin d’un passé douloureux que viennent ponctuer des gorgées de vin. Ben boit, puis se souvient, boit encore, se souvient de nouveau, et ainsi de suite durant des pages entières. Même les dialogues entre Elsa et Ben, censés être plus vivants et intéressants, sont gâchés par le bavardage incessant de Ben qui ne peut s’empêcher de fouiller son passé à voix haute, utilisant avec adresse l’art de la digression.
Ainsi, outre le fait qu’il ne se passe vraiment pas grand chose durant ces cent premières pages, la lecture est d’un ennui qui lasse profondément – d’autant que ces souvenirs ne sont même pas intéressants ! Egocentrique, le narrateur aime penser à lui, se souvenir de lui, parler de lui à autrui et, comme dans la vraie vie, il est malheureusement bien difficile d’apprécier un être aussi égotiste : on finit par détester le personnage et s’écoeurer de l’ouvrage entier. Un vrai gâchis.

Par ailleurs, Ben vient de perdre la femme avec laquelle il partageait sa vie depuis des années et entreprend, à peine cinq jours plus tard, d’entamer une liaison amoureuse avec une femme qu’il ne connait pas mais qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Katie. On pourrait croire à un choc post-traumatique, cependant le personnage est bien conscient de la ressemblance entre les deux femmes et ne ressent pourtant aucune vraie ni profonde tristesse : il n’y voit que sa chance de recommencer son histoire d’amour avec une autre dont il sait déjà apprécier le physique, une belle opportunité à saisir. Ainsi, une semaine tout juste après la décès de Katie, il se sent amoureux et embarque pour Paris avec cette inconnue dont il veut se faire aimer. Ce manque de respect pour la défunte rend le personnage encore plus antipathique – comment justifier qu’il ne soit pas en deuil de sa bien-aimée alors qu’à peine quelques jours se sont écoulés depuis la mort violente de cette dernière ?

Outre ces choix narratifs décevant et le dégoût qu’inspire ce piètre personnage, l’intrigue est assez misérable et le récit peu crédible. Ben est peintre, grand admirateur de l’oeuvre de Modigliani. Or, il trouve justement dans son grenier un tableau qui semble être un original inconnu du grand peintre ! Comble de l’extase, il s’agit d’un nu d’une femme, belle coïncidence puisque Ben ne peint lui-même que des femmes nues. Quelques heures plus tard, Ben découvre une cachette secrète dans un placard et à l’intérieur se trouve une liste d’objets rares et anciens rédigée par son père – dont le fameux tableau ! Une théorie est alors très vite ébauchée – les nazis doivent être au cœur de l’intrigue, mais comment son père, juif survivant d’Auschwitz, aurait-il pu les aider ? Presque aussitôt, Ben prend le large vers Paris avec Elsa afin de rencontrer un vieil ami collectionneur d’art américain qui connaît parfaitement la peinture française et qui, de surcroît, a fait partie du service des Monuments de l’armée et peut donc s’affirmer spécialiste des vols d’objets précieux juifs par les nazis durant la guerre.
Tout s’ajuste ainsi à merveille, évoquant le jeu de pistes pour enfant plutôt que la véritable enquête, et cela jusqu’à la fin de l’ouvrage dont j’ai feuilleté rapidement les dernières pages. C’est bien entendu trop beau pour être vrai : la réalité ne permet pas autant de concours de circonstances bienheureux et les trop nombreuses facilités prises par l’auteur font rapidement de cette lecture un moment extrêmement désagréable et frustrant. J’ai eu le sentiment que Joseph Hone avait écrit sans se soucier d’être crédible – mais alors, se souciait-il d’être lu ?

En conclusion, un roman grossier qui m’a fait perdre beaucoup de temps et dont je ressors fatiguée, déçue et irritée. Dommage !

Je remercie les éditions BakerStreet ainsi que Virgine Jullion pour leur confiance.