Le retour des Phénix – Tome 1 – Découverte de mes origines

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Ecrit par Marion Obry,

Publié aux éditions Sharon Kena le 24 juillet 2012,

Format 14 cm x 21 cm, 334 pages.

Quatrième de couverture :

« Quand l’oiseau impérial renaîtra de ses cendres, que le mal s’invitera en terres pures alors les deux ne feront qu’un et le poussin deviendra un soleil. »

Une prophétie datant de plus de trois mille ans, gravée dans la pierre, appelle aujourd’hui à être réalisée. Les Eins et les Phénix s’opposent dans une lutte éternelle dont l’accomplissement de ces mots serait la clef de la victoire.

L’éristale de l’Impératrice tant attendue se réveille et, avec elle, l’annonce de grands changements dont les deux camps subiront les conséquences.

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Découverte de mes origines est le premier tome de la saga Le Retour des Phénix, une trilogie fantastique écrite par Marion Obry. Cette lecture fut un peu particulière puisque j’avais échangé au cours du mois précédent quelques e-mails avec cette jeune auteur, qui est également la responsable du service presse des éditions Sharon Kena. Ce fut un heureux hasard qui me porta à choisir ce roman, et d’avoir entrevu la personnalité enjouée et sympathique de Marion Obry me donna envie de découvrir son univers avant d’entamer ma lecture. J’ai ainsi découvert que ce roman trouve ses origines dans les années collégiales de l’auteur, alors que celle-ci n’était âgée que de 12 ans : depuis, Marion Obry n’a eu de cesse de travailler et retravailler son texte, puis d’en imaginer la suite. Une aventure d’écriture qui dure depuis déjà sept ans ! J’ai volontairement conservé cette révélation à l’esprit tout au long de ma lecture, m’incitant ainsi à l’indulgence : car oui, il y a des maladresses ! Mais, pour avoir écrit durant mon enfance et mon adolescence, je reconnais la difficulté inhérente à tout jeune auteur ainsi que le talent d’écriture de Marion Obry puisque, malgré sa jeunesse – elle fête cette année ses vingt ans-, elle est parvenue à écrire un roman de 334 pages qui se tient, riche d’un univers pleinement inventé très réussi, de personnages consistants ainsi que de nombreuses scènes d’action. C’est un roman qu’il faut lire avec indulgence et légèreté, mais un roman sympathique qui parvient à captiver agréablement son lecteur !

L’intrigue est à la fois très stéréotypée et originale, une double facette qui pousse naturellement à la curiosité. En effet, de prime abord le roman paraît profondément banal puisqu’il s’agit d’un énième affrontement entre le bien et le mal, entre les défenseurs de l’équilibre et des démons vicieux et meurtriers. Cependant, le choix des personnages est audacieux puisque ce sont des Phénix qui incarnent les défenseurs de l’équilibre. Or, comme ne le manque jamais de souligner Marion Obry lors de ses interviews, les romans ayant traits aux Phénix sont rares et peu connus. Ainsi, l’auteur explore un thème légendaire délaissé et parvient à le rendre intéressant et inédit, car le phénix devient une créature surprenante capable de prendre l’apparence d’un être humain ou d’un magnifique aigle de feu, une créature qui possède des pouvoirs magiques inspirés du soleil ainsi que de nombreuses autres spécificités intrigantes. Chargés de haine et de mépris, les Eins s’opposent à ces formidables créatures et souhaitent les détruire. Ces êtres démoniaques sont moins originaux mais demeurent intéressants à découvrir car ils sont plus vivants, plus surprenants et peut-être davantage humains également ; malheureusement, même au cours des affrontements les plus décisifs j’ai eu le sentiment que ces personnages hors du commun demeuraient secondaires. Ceci est probablement une conséquence fâcheuse du choix narratif de l’auteur d’écrire à la première personne du singulier : c’est une décision regrettable car si les émotions de l’héroïne nous parviennent ainsi plus facilement, la véritable personnalité des autres personnages – et notamment des opposants – nous échappe, ainsi que de nombreuses scènes auxquelles l’héroïne ne prend pas part. De ce fait, j’ai eu l’impression de ne connaître que les opinions d’un seul parti qui s’estime juste et dans son bon droit, mais combien d’êtres humains se sont-ils ainsi fourvoyés en pensant bien agir ? J’aurais aimé connaître l’histoire des Eins, leurs sentiments profonds, leur caractère et leurs hésitations, cependant ils demeurent inaccessibles, nos yeux glissent sur leurs visages et leurs actions. Le roman bénéficie donc d’une intrigue insolite bien qu’attendue, intelligemment menée mais qui manque de profondeur et de réflexion.

L’héroïne se prénomme Gabrielle, c’est une adolescente triste et timide, plutôt banale et discrète, amoureuse en secret de son meilleur ami. J’avoue avoir été agréablement surprise car je m’attendais à découvrir une jeune fille normale, à laquelle s’imposerait une révélation aussi soudaine qu’incroyable et qui bouleverserait son existence. Or, Gabrielle explique dès les premières pages ne pas être humaine. Elle est consciente depuis de nombreuses années de sa nature de Phénix et de sa différence, cependant elle se croit seule et ne comprend pas sa raison d’être : on retrouve ainsi le poncif de l’adolescente au mal-être profond, recluse et solitaire, disposant d’un fort potentiel hélas négligé. Les personnages qui évoluent autour d’elle forment un ensemble très caricatural d’adolescents : son meilleur ami Christopher est terriblement beau, bourré de petits défauts plein de charmes, doté d’une musculature sublime, d’un regard aussi envoûtant que son sourire est subjuguant et d’une intelligence n’ayant d’égale que son humour (!!) ; Jennifer est une fatigante victime de la mode, tout en hypocrisie et en sourires béats derrière un maquillage parfait ; sa jumelle, Lys, est d’une gentillesse qui touche à la bêtise et, constamment émue ou ahurie, elle ne parle que pour dire des stupidités déplacées ; enfin, Alex est une peste maniérée et hautaine entichée d’un chevalier servant qui pardonne tout à son amoureuse adorée, se contentant de sourire timidement à ses éclats d’humeur. Que l’on s’ennuie à leurs discours immatures, à leurs états d’âmes incessants et surtout, à leurs jeux d’amour inintéressants ! Que diable, c’est un roman de fantasy ! Or, la romance est une constante de l’histoire : Gabrielle aime profondément Chris, qui est éperdument amoureux de Jennifer, mais cette dernière ne s’en soucie aucunement et tombe sous le charme d’un bellâtre égocentrique, décidant ensuite de jongler sans remord avec ces deux garçons sous le regard embué de Gabrielle qui constate amèrement que même Lys parvient à trouver l’amour dans les bras musclés d’un apprenti capitaine. Ce petit monde de sentiments enfantins tourne sur lui-même à n’en plus finir et je me suis franchement lassée de lire combien le sourire de Chris était craquant ou combien ce dernier aimait Jennifer. C’était ennuyant et affligeant, je pense avoir passé l’âge de ces enfantillages qui ne devraient raisonnablement plaire qu’à une tranche d’âge que je situerais entre douze et quatorze ans. Le roman souffre de cette histoire qui patauge mollement, et cette romance immature finit par prendre le pas sur la fantasy qui par conséquent manque de profondeur et de richesse. Marion Obry possède pourtant un véritable potentiel, avec un style fluide et agréable, capable de jolies descriptions imagées ! On devine une imagination fertile qui ne demande qu’à éclore, mais qui demeure hélas bridée par un manque de maturité évident.

De nombreuses autres maladresses ont contribué à mon ennui, je songe par exemple aux éléments fantastiques qui sont parfois posés maladroitement et sans guère d’explication, à certains dénouements trop simples et naïfs en regard du thème choisi ou encore à certains décisions illogiques, qui dénotent soit d’un manque de rigueur, soit de facilités prises par l’auteur pour mettre en place son histoire. Mon ennui s’est progressivement changé en agacement alors que je poursuivais ma lecture et je ne supportais plus Gabrielle, héroïne inconstante et immature qui n’avait de cesse d’alterner babillage enfantin, réflexions puériles et petits airs condescendants. En effet, le schéma classique veut qu’une héroïne, aussi immature soit-elle, apprend de ses erreurs et progresse au fil des pages jusqu’à devenir une jeune femme raisonnée et responsable. C’est un schéma certes ordinaire, mais qui possède l’avantage d’être parfaitement logique et rationnel. A-t-on jamais vu un enfant régresser ? Or, Gabrielle ne progresse jamais et ne tire aucune leçon de ses erreurs, ce qui est absolument insensé. Parfois elle est d’une totale immaturité, si bien que l’on éprouve l’envie de la secouer vigoureusement afin de la faire réfléchir, et d’autres fois elle s’essaye à l’autorité et à la stratégie alors qu’elle n’en possède ni la sagesse, ni les connaissances nécessaires. Certaines décisions sont totalement incongrues : comment des sénateurs, des capitaines et des guerriers pourraient-ils laisser le commandement de tous à une jeune fille ignorante et irrespectueuse de ses aînés ? Certes, Gabrielle est censée détenir la mémoire de ses ancêtres, mais cet aspect de sa personnalité n’est absolument pas approfondi et j’en ai raisonnablement conclu qu’elle n’avait pas encore accès à ce flux de connaissances – ses piètres décisions en sont d’ailleurs la preuve. Je pense que ce roman mérite d’être retravaillé sous un jour nouveau, d’être ré-écrit avec plus de profondeur et de maturité, de cohérence également. Gabrielle est intéressante mais n’est pas suffisamment étoffée, il faut qu’elle grandisse grâce à ses erreurs, qu’elle en tire sa force. Le fantastique n’empêche pas le réalisme : même dans un autre univers, les réactions devraient demeurer sensées et réfléchies. Le récit ne respecte pas cette règle et perd brusquement en crédibilité, laissant ainsi apparaître d’importantes failles dans la trame de l’histoire. 

Cela étant dit, malgré les nombreux défauts de ce premier roman, les personnages sont parfois travaillés avec justesse et offrent quelques scènes touchantes de sincérité et d’amitié. Ils prennent alors de l’épaisseur et l’on devine, derrière l’hypocrisie et l’égocentrisme de leur jeunesse, un caractère fort qui ne demande qu’à se développer. Ainsi, le deuxième tome du Retour des Phénix permettra peut-être une belle évolution à ces personnages auxquels le lecteur a fini par s’attacher ! Par ailleurs, je souhaite souligner l’imaginaire agréable de Marion Obry, qui propose un univers nouveau et totalement fictif, un monde peuplé de phénix et de quelques elfes qui bâtissent de somptueux villages de courbes, d’arabesques, de jardins paradisiaques ! Le soleil habite les murs, de l’eau traverse les parois de verre des escaliers : l’esprit s’évade et c’est agréable ! Je regrette que ce monde ne soit pas plus étoffé et qu’il ait été délaissé pour une romance bancale. J’espère que le deuxième tome de cette saga, intitulé Entre deux Mondes, offrira de plus longues descriptions de ce monde conceptuel !

Tantôt désespérément stéréotypé et caricatural, tantôt étonnamment singulier et riche d’idées nouvelles, Découverte de mes origines est un roman ambivalent qui réserve quelques surprises. C’est un texte prometteur et je souhaite vivement à l’auteur d’affermir son style afin de permettre à ses personnages d’évoluer pleinement !

Je remercie sincèrement les éditions Sharon Kena pour la confiance dont elles m’honorent.