Illustré par Nathalie Choux,
Raconté par Jean-Louis Le Craver,
Publié le 04/2014 aux éditions Syros,
32 pages, 15€90.
La chachatatutu et le phénix est disponible aux éditions Syros dans la collection des albums « Paroles de conteurs » depuis avril 2014. Il s’agit d’une ré-édition plus agréable du conte déjà paru en 2006 dans leur collection « Mini Syros Paroles de Conteurs » (poche, 3€). L’intérêt de ce nouvel album réside dans ses superbes illustrations qui peuvent être admirées dans un format plus agréable (20,5 x 32 cm) ; de plus, l’ouvrage est agrémenté d’un support CD (audio) accessible dès 5-6 ans.
Très facile à tenir pour les petites mains grâce à sa finesse, La chachatatutu et le phénix attire l’œil grâce sa couverture joyeuse et chatoyante qui met en scène les deux personnages principaux de ce conte originaire du Tibet.
Le contenu de l’album est à la hauteur de cette belle présentation : Nathalie Choux offre des illustrations pleines de vies et de couleurs, toutes en courbes et en mouvements. Le style est enfantin et va à l’essentiel au moyen de personnages de grandes tailles et d’arrière-plans épurés, cependant les planches de la dessinatrice sont soignées et le souci du détail est constant. La chachatatutu et le phénix offre ainsi un réel plaisir visuel à l’enfant.
L’histoire de ces deux oiseaux est racontée par Jean-Louis Le Craver, conteur professionnel et formateur à l’art du conte depuis 1979. Adaptée du conte original pour être plus claire et accessible, l’histoire est amusante bien qu’assez triste, puisque un petit oiseau découvre que deux de ses œufs ont été dévorés par un rat et s’inquiète du sort de son troisième et dernier œuf. Consternée, la Chachatatutu vole vite jusqu’au nid du Roi des oiseaux, le Phénix, hélas le bel oiseau lui refuse son aide, ce qui provoquera de graves conséquences…
La narration est bien étudiée et repose sur les mécanismes habituels du conte : une mise en scène presque théâtrale des personnages (« Elle a pris sa volée et elle est allée trouver sur son arbre, au bord du lac, le phénix, c’est-à-dire le plus beau, le plus grand, le plus noble, bref, le Roi des oiseaux. ») et la répétition à l’inverse des événements des premières pages, jusqu’à une morale explicitée par l’auteur.
Cette répétition cyclique crée une attente amusée chez l’enfant et permet de concentrer son attention sur la morale de l’histoire qui arrive finalement comme une évidence : une petite chose mal réglée peut avoir de graves conséquences.
Bien que véridique, cette leçon de morale ne me paraît pas la plus appropriée à ce conte et je ne suis pas certaine que les enfants la retiendront aisément. En effet, le phénix refuse son aide à la chachatatutu, ce qui le conduit par un enchaînement de coïncidences à la perte de son propre œuf. Ainsi, le phénix est punit de ses actes et regrette finalement de ne pas avoir apporté son aide à sa camarade à plumes. La morale n’aurait-elle pas été plus pertinente si elle avait mis en exergue l’importance de l’entraide ? Je ne suis pas du tout convaincue de l’intérêt moralisateur de ce conte…
Enfin, le support audio est une véritable déception ! C’est d’autant plus regrettable que ce petit plus est fort séduisant lors du choix d’un album pour enfant. Tout d’abord, la voix de Jean-Louis Le Craver est tout à fait détestable : en effet, le conteur parle fort vite et ne prend pas soin d’articuler les mots, qu’il choisit même parfois « d’avaler » (exemple : « deux d’ses oeufs »). De plus, sa méthode narrative est déplorable puisque le conteur ne change quasiment pas d’intonation selon que ce soit le phénix, le rat, le dragon ou la chachatatutu qui s’exprime, de ce fait le conte audio produit de l’ennui et amène l’enfant à se désintéresser de l’histoire.
Un support audio doit mettre en scène oralement l’histoire, lui apporter de la vie, du mouvement ainsi qu’une force d’évocation plus importante que le support papier ; or ici la voix presque grossière du conteur cède à la facilité et déroule si rapidement l’histoire que l’enfant n’a pas le temps de lire l’histoire en même temps qu’il écoute l’enregistrement ; de surcroît, il lui faut tourner les pages à toute allure pour pouvoir suivre les paroles du conteur. Ainsi, il est franchement impossible de tirer un quelconque plaisir de ce support audio que mon enfant a lui-même délaissé.
Néanmoins, cette déception offre une belle opportunité de démontrer vos propres talents de conteurs et par cette occasion de vivre un agréable moment de complicité avec votre enfant, car cet album est tout de même fort joli et agréable à regarder, à lire et à partager !
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