Les enfants du roi

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Ecrit par Sonya Hartnett,

Publié aux éditions Les Grandes Personnes – 2013,

Broché, 288 pages – 16€.

(Résumé personnel)

Seconde guerre mondiale. La France est aux mains des allemands. A Londres, c’est le black-out. Les habitants se préparent aux bombardements et tentent de se protéger : fenêtres occultées, lumières interdites – les soirées deviennent lugubres et la mort approche dans l’angoisse collective. Humphrey Lockwood, père de famille aux fonctions importantes, annonce sa décision à sa femme et ses enfants : il est temps pour eux de partir se mettre à l’abri à la campagne. Il n’a que trop attendu, l’évacuation des enfants a déjà commencé et les garder plus longtemps à ses côtés serait une folie. Alors que Cecily Lockwood, douze ans, se réjouit de ce retour dans la belle bâtisse familiale, Jeremy, de deux ans son aîné, serre les poings – s’enfuir à la campagne fait de lui un lâche, alors qu’il voudrait combattre l’ennemi et protéger sa nation. Mais qu’importe l’opinion d’un enfant de quatorze ans : seule compte leur sécurité ; et c’est ainsi que Cecily, Jeremy et leur mère Heloise monte dans le train qui les mènera à Heron Hall, magnifique domaine entouré de terres sauvages et de ruines mystérieuses. Au cours de leur voyage, les enfants exposent à leur mère la nécessité de recueillir, comme tant d’autres familles, un enfant évacué – soucieuse de sa réputation, Heloise Lockwood accepte et laisse sa fille Cecily choisir May Bright, petite fille âgée de dix ans. Aussi autoritaire que bavarde, Cecily est ravie de s’être octroyée une poupée vivante qu’elle pourra diriger à loisirs, mais la petite May ne l’entend pas ainsi : intrépide et indépendante, elle n’hésite pas à se lever très tôt le matin pour fuir son petit tyran. May découvre alors la campagne sauvage et le plaisir de courir dans les champs, de respirer la forêt, de se sentir libre et hors de portée de la guerre. Ses petites aventures sauvages la mènent jusqu’aux ruines étincelantes d’un ancien château, à l’intérieur desquelles elle fait l’étrange rencontre de deux jeunes garçons. Le passé s’imbrique alors dans le présent, petites et grandes histoires se mélangent : et si chaque événement avait le pouvoir de modifier tous les autres ? 

« Le château surplombait les enfants, réduit à si peu de chose et, pourtant, totalement présent – comme s’il n’avait jamais eu besoin de plafonds, de toits et de planchers, qu’il se suffisait de ces débris loqueteux, voire même qu’il les préférait. Cecily scruta les sommets les plus hauts, là où les pierres écorchées se fondaient dans la pâleur du ciel. Elle ignorait ce qu’elle s’attendait à y voir, mais elle savait qu’elle n’en serait aucunement surprise – un œil aux aguets, un bras tendu, un corps figé dans la pierre depuis des siècles et malgré tout encore un peu en vie.(…) »

Sous l’apparence d’un livre broché au format agréable – moins large que la plupart des romans « grand format », ce livre se tient mieux en main – Les enfants du roi se révèle un ouvrage agréable et enrichissant. La quatrième de couverture me laissait hésitante sur le public auquel cet ouvrage se destine. L’écriture, fluide et bien menée, convient parfaitement à un roman jeunesse ; de plus, les termes parfois un peu plus complexes sont accompagnés d’une définition explicite en bas de page, ce qui permet d’accompagner les jeunes lecteurs dans leur découverte. Cependant, certains passages sont très forts émotionnellement – notamment lorsque le jeune Jeremy prend la fuite pour rejoindre la capitale et s’exposer aux bombes ennemies : le récit de sa compréhension de la guerre, de ses ravages et surtout de son impuissance pourrait heurter les plus jeunes, ou plus simplement ne pas être compris. Aussi, je pense que cet ouvrage est à conseiller aux enfants qui ont déjà abordé la seconde guerre mondiale à l’école, et que l’on a envie d’aider à grandir – car ce roman utilise le fantastique pour mener à terme une réflexion sur le Pouvoir et sa capacité destructrice. 

« Ne crois pas que cette histoire ne t’atteint pas Cecily. Le passé est partout présent. »

Par la description du quotidien d’une jeune fille de douze ans, Les enfants du roi raconte implicitement la seconde guerre mondiale – il y a ces journaux aux gros titres bouleversants, chaque jour étalés sur la table, lus et relus par un oncle inquiet et un frère désireux de combattre, papiers froissés fouillés du regard par la cuisinière qui pleure son fils absent, soldat peut-être mort ; il y a l’absence du père resté à Londres, chaque jour et chaque nuit incessamment exposé aux bombes ennemies ; il y a la mère de May partie fabriquer des parachutes dans une usine et cet autre père encore, disparu au combat. Partout, surtout, il y a l’inquiétude. Alors les deux petites filles s’évadent et jouent dans la forêt, terre de mystères, enveloppe de quiétude. A l’ombre des « frênes puissants aux feuilles épaisses », la guerre s’évanouit pour laisser place aux jeux et à l’imagination. 

La force du roman réside dans cette transition entre la réalité douloureuse de la guerre et l’univers doux et naïf des enfants. Entre les deux se dresse un château en ruine, fantôme du passé encore majestueux, habité par deux apparitions d’enfants. C’est par l’histoire de ce château, par ce récit vieux de plusieurs centaines d’années, que les enfants vont comprendre le présent – comprendre le feu qui anime la guerre et ronge les hommes. Un château en ruine comme une enfance désenchantée, et qui s’effondre pierre par pierre alors que grandissent Cecily et May, jusqu’à disparaître complètement dans la terre – passage à l’âge adulte des jeunes filles. Un roman d’apprentissage donc, mais également un récit porteur d’espoir. 

Les adultes reprocheront probablement à ce roman le caractère artificiel des personnages, car Sonya Hartnett a forcé le trait en imaginant des héroïnes sans ambivalence, dont la personnalité souffre d’un réel déséquilibre – ainsi Cecily est agaçante d’enfantillage, alors que May se montre trop irréprochable pour être crédible. Fort heureusement, la réussite de ce roman ne repose pas sur les personnages, mais sur l’histoire qu’ils permettent de mettre en place et la réflexion qui en découle.

Les enfants du roi est donc un beau roman pour les pré-adolescents, qu’il saura captiver avec sagesse, le fantastique se mêlant à l’Histoire de la plus belle des manières.

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Ce roman a été lu pour Les Chroniques de l’Imaginaire. Merci aux éditions Les Grandes Personnes pour la confiance dont elles honorent notre équipe de chroniqueurs.