Le lieutenant

Le Lieutenant,

 

écrit par Kate Grenville.

 


Traduction française publiée en 2012.

 

 

 

Quatrième de couverture : http://multimedia.fnac.com/multimedia/FR/images_produits/FR/Fnac.com/ZoomPE/1/2/5/9782864248521.jpg

 

Daniel Rooke est un enfant exceptionnellement doué. Ses maîtres l’envoient étudier à l’Académie navale de Portsmouth où il se trouve embarrassé par son origine trop modeste et son intelligence trop vive. Son horizon s’élargit quand il découvre la navigation et l’astronomie. L’Astronome royal, qui a repéré en lui un esprit hors norme, l’envoie en expédition scientifique pour étudier le retour d’une comète qui ne sera visible que de l’hémisphère Sud. Il navigue donc vers la Nouvelle-Galles du Sud en compagnie de prisonniers anglais condamnés à vivre dans une colonie pénitentiaire.
Le lieutenant Rooke s’installe à l’écart du camp pour y mener ses observations. Il prend petit à petit conscience de la présence des aborigènes, qui apparaissent et disparaissent, l’observent de loin ou pénètrent dans sa cabane par curiosité. Pendant ce temps, le manque de nourriture fait monter la tension entre les nouveaux venus et les premiers occupants.

 

 

 

« La nouveauté absolue de toute chose se traduisait par une sorte d’aveuglement. C’était comme si la vue était incapable de fonctionner en l’absence de compréhension. » 

 


Fin XVIIIème – début XIX ème siècle. Rooke est un jeune garçon à l’intelligence remarquable, que l’on pourrait qualifier d’ « extraordinaire ». Comme tout ce qui sort de l’ordinaire, il ne trouve pas sa place dans ce monde. Solitaire, singulier, il souffre. Il cherche une logique, une explication, un indice : pourquoi existe-t-il ? Pourquoi est-il différent ? Il cherche une logique, à seulement cinq ans. Cette obsession inconsciente, passion douloureuse, forge son caractère futur. Celui d’un homme raisonné, logique, méthodique, rigoureux, maniant les chiffres et la géométrie avec dextérité – et à l’inverse, dépourvu de qualités littéraires. Les mots : abstraits, flexibles, changeants, peu fiables. Les nombres premiers seront, dès son enfance, ses seuls véritables amis. « … il consultait un carnet sous son bureau, où il collectionnait ses nombres spéciaux, ceux qui n’étaient divisibles que par eux-mêmes et par un. Comme lui, ils étaient solitaires. »

 

Ses études à l’Académie Navale de Portsmouth se terminent brillamment, présage d’un bel avenir dans le domaine de l’astronomie. Cependant, le monde n’a pas besoin d’astronomes en grand nombre. Il faut envisager d’autres perspectives d’avenir. Il s’oriente alors vers ce que sa condition sociale peu offrir à un jeune homme de son âge : il devient soldat de la mer, un « marine ».

 

« La guerre avec les colonies des Amériques donnait au roi une soif insatiable d’hommes, jusqu’aux garçons studieux démunis de tout instinct guerrier. »

 

La guerre qu’il connaîtra sera semblable à toutes les autres. Des morts, blessés, perdants, vainqueurs. Et des hommes choqués, changés à jamais. Rooke, blessé à la tête, passera quelques mois alité avant de retourner parmi les siens. L’insuffisance de sa demi-solde l’obligera cependant, une nouvelle fois, à envisager d’autres perspectives.

 

Le destin lui sourit enfin, la chance se pose sur son épaule : l’Astronome Royal, qu’il avait rencontré une dizaine d’années plus tôt, cet homme s’est souvenu de lui, de son intelligence, et lui offre de participer à une expédition en Nouvelle-Galles du Sud. En qualité d’astronome, il aura pour charge d’étudier le retour d’une comète.

 

L’expédition dans laquelle il s’engage souhaite former une colonie pénitentiaire sur le continent australien : la Nouvelle-Galles du Sud, qui sera effectivement fondée le 26 janvier 1788.

L’Australie était alors peuplée d’Aborigènes. Le roman devient alors le récit d’une rencontre entre deux peuples.

 

Dès lors, inutile de préciser la tristesse, l’amertume que l’on ressent à la lecture de la dernière partie du roman. Lors de ma découverte du magnifique roman historique de James Welch, Comme des ombres sur la terre, de l’ouvrage de Rachel Tanner, Le Rêve du mammouth ou encore de l’œuvre de William Ospina, Le Pays de la cannelle ; c’est ce même sentiment douloureux qui m’avait envahi. La rencontre de deux civilisations, contemporaines mais si éloignées l’une de l’autre, que le choc entre les deux cultures est inévitable. Tant d’incompréhension, tant de mépris de l’autre.

 

« Comme un organe étranglé par un garrot, Rooke avait l’impression d’avoir été comprimé par toutes ces années de scolarité et de vie en mer. A présent, il pouvait enfin se dilater et combler l’espace qui lui convenait, quel qu’il fût. Dans ce lieu, avec ses pensées pour seule compagnie, il deviendrait la personne qu’il était vraiment, ni plus ni moins. Lui-même. C’était un territoire aussi inexploré que celui où il se trouvait. »

 

Rooke parvient à se faire construire un abris à l’écart du camp, en hauteur, afin de mener à bien ses recherches en astronomie.

 

« Ici, où la solitude ambiante correspondait à sa solitude intérieure, il se sentait plus léger. »

 

Le roman se divise alors en deux parties imbriquées: les espoirs et avancées scientifiques de Rooke, et la rencontre entre les Aborigènes et l’Homme blanc. Petit à petit, l’homme de sciences s’efface pour laisser place à un homme de langues : Rooke voit dans la rencontre avec les Aborigènes une occasion unique et inespérée de découvrir un langage jusque là inconnu, d’en découvrir les rouages, mais aussi une opportunité d’exposer aux autres sa valeur intellectuelle.

 

« Même quand il retenait les sons exacts, sa reproduction n’était pas parfaite. Les mots avaient une qualité étouffée ou laineuse, un marmonnement, un legato qu’il ne parvenait par à reproduire. Il les entendait, mais sa bouche n’arrivait pas à les former. »

 

La chance continue de sourire à Rooke : un petit groupe d’Aborigènes, essentiellement féminin, lui accorde sa confiance. Régulièrement, elles viennent lui rendre visite et observent son abri, ses objets, sa manière de vivre, de se comporter, de s’exprimer. Parmi elles, une jeune fille montre un esprit très vif et un désir de communiquer aussi fort que le sien. Commence alors un jeu d’apprentissage, d’échange mutuels.

 

« Les lieux défilaient devant lui en un flou anonyme. Arbre. Un autre arbre. Buisson. Autre type de buisson. Fleur blanche. Fleur jaune. Fleur rouge. Son incapacité à appeler les choses par leur nom le ramenait en enfance. Il se revit sur les galets en dessous de la tour Ronde, penché sur sa collection : un gros, un petit, un clair, un foncé. »

 

 

Merci aux Editions Métailié et à Newsbook pour la découverte de cet ouvrage !

Une interview de l’auteur : http://blogs.mediapart.fr/blog/madame-du-b/260312/interview-de-kate-grenville-auteur-de-le-lieutenant-aux-editions-metail

One comment

  1. Didi says:

    Joli billet ! Et as-tu aimé cette lecture ?

    J’étais aussi de partenariat et j’ai apprécié ce livre.

    Amicalement blog

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