Cet homme là

Cet homme là,
écrit par Eve de Castro.

Publié en 2010. 

Quatrième de couverture :

        

« Elle a joué tapis sans même l’avoir embrassé. Toute sa vie sur la table et elle ne connaissait alors de cet homme que deux grandes mains, une chaleur, une voix. »

Il vient du bout du monde, il n’a pas de diplôme, pas d’argent, pas d’attaches.
Elle est le fruit d’une éducation d’un autre âge, elle a une famille parfaite, un métier exigeant, un carcan de certitudes.
Il s’oublie dans le corps des femmes.
Elle se fuit dans les mots.
Depuis l’enfance, ils se cherchent.
Ils s’accrochent l’un à l’autre.
Ensemble, ils tombent au fond du puits.



Maintenant que vous avez lu la quatrième de couverture, je vous invite à lire la première page de ce roman :

« A Vacoas, il est onze heures du matin. Roméo a cinq ans et trois mois, huit fourmis rouges trimballent un grain de maïs entre ses deux pieds nus, il lui faut habituellement douze coups de balai pour nettoyer la maison et ce soir, il comptera les étoiles jusqu’à cent. Roméo aime les chiffres. Avec sa mère, il parle peu. Les mots servent à nommer les choses qu’il faut faire et ne pas faire. Il n’y a pas de mystère dans les mots. Dans les chiffres, si. Les chiffres servent à jouer et à rêver. Additionner, retrancher c’est un pouvoir dans la tête. Multiplier, c’est encore plus de pouvoir. Ce pouvoir-là, il est le seul à l’avoir. A la petite école, les autres se taisent quand il compte au tableau, et à la maison, il aide sa mère qui recommence dix fois pour comprendre pourquoi il ne reste presque rien dans le porte-monnaie du marché. Sa mère doit mettre les chiffres en ordre avant que son père revienne sur sa moto. Il sait que deux et deux ne font pas trois, son père, et pour expliquer les choses, il n’a pas besoin des mots. »

Pour ma part, j’ai tout de suite accroché, et cela pour plusieurs raisons. Je m’attendais à entrer directement dans l’histoire de deux adultes, à apprendre à les connaître, puis à vivre et ressentir leur passion. En bref, je m’attendais au schéma classique d’un roman traitant de la passion amoureuse – ce à quoi la page de couverture du roman m’invitait. Et bien non ; lecteur, attends-toi à être surpris ! Dès la première phrase, nous faisons connaissance avec un petit garçon. Quelques pages après, avec une jeune fille de tout juste onze ans. Vous pensez qu’il va s’agir d’une histoire d’amour entre deux mômes, d’une passion de bas âge mais peut-être pas si futile que ça – souvenez vous de E=mc2, mon amour. Vous n’y êtes pas encore ! Les 162 premières pages – tout juste la moitié du roman – se consacrent exclusivement aux enfances respectives de Marie et Roméo, les deux protagonistes du roman. Patience donc, si vous brûlez de les découvrir adultes et passionnés !
 

La plume de l’auteur à présent. Parler de chiffres dès les premières phrases, dans un roman, ce n’est pas habituel. J’aurais presque dit, pas littéraire ! Et pourtant, il y a une certaine poésie qui se dégage de ce passage ; on sent que l’auteure a un style propre et qu’avec celui-ci, elle peut nous emmener loin.
 

C’est ce qui m’a séduit. Je me suis laissée emportée par cette première vague de mots.

« Son père est un géant. Il a des gros yeux, une grande bouche, des mains comme la batte qui sert à frapper les draps mouillés. Avec ces yeux, cette bouche, ces mains, son père fait des choses de géant. Il voit ce qu’on veut lui cacher, comme les sous qui sont partis ou l’accroc sur la chemise de Roméo à cause du barbelé. Quand il a vu, il crie. D’ailleurs même quand il n’a pas vu, il crie. Même quand il n’y a rien de caché, rien à voir du tout, il crie. Il crie parce qu’on cache toujours quelque chose, et qu’il vaut mieux crier pour ça que ne pas crier du tout. Au moins, quand il a crié, il n’a plus la crainte qu’on se foute de lui. C’est son idée fixe, à son père : que Roméo et sa mère en lui cachant des choses se foutent de lui. Il est chatouilleux sur le respect qu’on lui doit. Les géants sont comme ça. Sinon, sûrement, ils ne seraient pas des géants. »

Ce passage pour vous montrer ce qu’a de remarquable l’écriture d’Eve de Castro. Tout d’abord, elle a le mérite de retranscrire, avec un vocabulaire d’adulte, les pensées d’un enfant : la syntaxe et la manière dont les choses sont décrites sont telles que l’on identifie sans peine qui en est l’auteur. Ensuite, ses phrases sont empreintes d’une certaine subtilité ; on devine aisément que le père de Roméo bat sa femme physiquement et moralement, pour autant cela n’est pas dit explicitement. Toutefois, cela n’est implicite que dans les mots, car le rythme des phrases est traitre : des phrases très courtes, lapidaires, qui tombent de manière abruptes et violentes. Elles s’enchaînent, et le lecteur peine à reprendre son souffle. Très vite donc, on ressent l’univers violent dans lequel est plongé le petit garçon.
 

Enfin, le style en lui-même : les phrases reprennent bien souvent le dernier mot de la phrase précédente, créant ainsi un effet de retour en arrière propre au raisonnement de l’enfant. On aborde donc les événements sous le point de vue logique d’un enfant de 5 ans, déjà très marqué par les chiffres. Ce qui m’a perturbé dès ces premières pages, c’est la quasi absence de sentiments ou d’émotions : je me suis demandée si Roméo, enfant, n’essayait pas inconsciemment d’oublier la violence dans laquelle il se trouvait en utilisant les mathématiques et leur logique.
 

Par la suite, au travers des yeux de l’enfant, l’auteure nous fait découvrir l’Ile Maurice : ses paysages, ses habitants, ses habitudes.

« A Maurice, il y a des autobus, seulement on ne les voit jamais. Presque jamais. Jamais quand on les attend. Pourtant on les attend souvent et longtemps. »

C’est tout aussi naturellement et sur le même ton que l’on découvre que les noirs de l’Ile Maurice sont esclaves, et que la mère de Roméo est employée de maison chez des Anglais.
 

Changement de chapitre et changement de personnage : un nouveau style et d’autres paysages. En d’autres termes, un bouleversement que je n’ai pas apprécié.

« Mais un anniversaire est un nouveau départ, donc à cinq heures douze elle est lavée (même derrière les oreilles), habillée (le kilt préféré de sa mère), coiffée (cheveux lissés et attachés), et elle s’assied à son petit bureau. »

J’ai réellement détesté cette manière d’écrire. Alors que dans le premier chapitre l’auteure se mettait à notre niveau pour retranscrire les pensées d’un enfant de cinq ans, elle a choisit pour son personnage de onze ans un style proportionnel à son âge : un style enfantin et déplorable. J’ai eu la désagréable impression de lire le journal intime d’une fillette ; et cela durant tous les chapitres consacrés à l’enfance de Marie. Bien sûr, chaque chose a son utilité, et l’on comprend par la suite que – comme dans le premier chapitre – le style utilisé reflète la situation du personnage : en l’espèce, Marie est issue d’une famille bourgeoise attachée aux traditions et à la bonne tenue. Marie s’évertue donc à être une petite fille modèle. Malheureusement, la désagréable impression de retrouver Camille et Madeleine de la Comtesse de Ségur m’a fait détester le personnage de Marie dès les premières lignes. A vouloir trop en faire, la plume de l’auteur a brûlé sous mes yeux.

« Bien sûr, elle vit confortablement, elle fréquente une école privée d’excellente réputation et personne ne la bat. Mais l’enfer est pavé d’intentions louables, l’essentiel est invisible pour les yeux et pas besoin de s’appeler Cosette pour avoir envie d’être sauvée. »

Je l’avoue, la tournure de ce passage m’a séduite. J’ai donné une seconde chance à Marie et à son histoire. Tel un amuse-bouche, ces quelques phrases m’ont mise en appétit et j’ai tourné la page avec avidité. Malheureusement et pour faire simple, je suis restée sur ma faim – si ce n’est sur un haut de cœur. Il ne se passe rien. Les phrases sont enjolivées, les tournures agréables, mais le noyau est vide. Un simple mensonge – son père n’est pas son géniteur -, et l’existence de la jeune fille bascule : j’ai trouvé cela grotesque et assez invraisemblable, surtout à notre époque.
 

Pour clôturer le tout, un sentiment de malaise vient se greffer à l’histoire : « Sa mère la prend par la main et s’assied à côté d’elle au bord du grand lit. Belle. Incroyablement, irrésistiblement belle. Si Marie osait, elle se mettrait à genoux devant cette mère-là. Elle lui offrirait l’encens, la myrrhe, les bonnes notes, les efforts quotidiens pour être moins ceci et davantage cela. Elle l’adorerait servilement, elle la vénérerait amoureusement. Elle l’adore. Elle la vénère. Servilement. Amoureusement. Marie est éperdument éprise de sa maman. » Détestable.
 

Le seul point positif est peut être le passage concernant les mots et leur pouvoir sur Marie. De même que Roméo s’accroche aux chiffres pour grandir, Marie se cramponne aux mots pour survivre à ce qui lui semble être la fin du monde – de son monde.

« Elle essaie de trouver des mots auxquels se cramponner.

Piton. Piolet. Pyrrhus. Perdition.

(…)

Ne pas pleurer. Rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo, violet, elle essaie de se rappeler un poème qui parle de couleurs et de voyelles. Ne pas pleurer. »

C’est avec soulagement que l’on retrouve Roméo. Roméo qui grandit page après page, au sein de passages bien pensés, bien écrits.

« Dans sa tête, Roméo sent sa mère qui se penche au-dessus de lui. Sa mère sent la pluie, la transpiration sous les bras, le piment en poudre et le produit pour laver les sols du mess. Toutes ces odeurs font une mère. La sienne. Et aussi le parfum qu’elle met quand son père lui promet de l’emmener danser et qu’elle garde quand il ne vient pas. Et encore le savon qui rentre dans sa peau parce que l’eau froide rince mal et qu’au robinet il n’y a pas d’eau chaude. Roméo aime toutes ces odeurs. Dès qu’il pense à ces odeurs, sa mère est là. »

« Coincé entre son père et sa mère, Roméo est heureux. C’est très simple, d’être heureux. C’est très court et très bon. C’est comme un rêve. Sauf qu’on ne rêve pas. »

Au coin d’une page et au commencement d’un nouveau chapitre sur Marie, j’eus l’agréable surprise de découvrir un bien paisible passage, se démarquant du récit de l’enfance de la jeune fille par le fond et par la forme. Une petite philosophie de la vie dans laquelle on ne peut que se retrouver.

« Quand elle écosse des petits pois, sa vie rentre dans l’ordre. D’abord à cause des petits pois. La concentration exigée par les petits pois la laisse disponible pour toutes sortes de pensées sans lui permettre aucune forme de réflexion. Or l’angoisse vient de la réflexion. La douleur naît de la réflexion. Quand elle fend la cosse, quand elle glisse le bout de son doigt pour en détacher une à une les billes vertes, quand elle fait rouler les pois durs et frais dans le saladier, elle ne réfléchit pas. Au lieu de se cogner contre les murs de sa tête, son esprit descend dans ses oreilles, dans ses narines, glisse le long de ses coudes, de ses phalanges, jusqu’à l’extrémité de son majeur. Là, elle est bien. Dans le coussinet sous l’ongle rongé de son majeur, elle est bien. Le temps prend la couleur, la consistance et le bruit des pois lorsqu’elle les secoue au creux de sa paume avant de les lancer en pluie sur ses poignets. »

Au fil des mots et au-delà de l’histoire, les personnages se construisent et développent une identité. C’est par ce procédé que le lecteur apprend à les connaître, et presque à les aimer. Presque, car leur personnalité présente autant de défauts que de qualités, et connaître ainsi totalement l’Autre, en profondeur, n’est pas humainement possible. Alors, on ne peut pas humainement les aimer ou les détester. Comme s’il s’agissait de soi-même – qui peut affirmer s’aimer ou se détester – on ne peut que les accepter, tels qu’ils se sont construits.
 

C’est ainsi que l’on comprend que Marie, enfant, se sent prisonnière, enfermée dans un carcan bourgeois duquel elle tente d’échapper par les mots. Elle s’invente en quelque sorte un dictionnaire de la liberté, construit des synonymes des mots qu’elle n’a pas le droit d’utiliser ou au contraire qu’on lui impose. Les mots deviennent sa délivrance, du moins c’est ce qu’elle pense – car Marie, adulte, n’échappera pas à son éducation.
 

La plume de l’auteure devient plus intéressante lorsqu’elle évoque les seize ans et plus de Marie. Au style moins enfantin, on ressent clairement le souci qu’a eu l’auteur de vieillir son personnage et de lui donner une certaine maturité. Néanmoins, les parenthèses persistent. Des parenthèses ridicules, omniprésentes du début à la fin du roman et qui rendent les phrases très lourdes lors de la lecture. Je pense que ce choix de l’auteure aurait pu être judicieux, s’il n’avait pas été aussi extrême. Lecteur, sois courageux ! L’envie de laisser tomber le roman s’est faite ressentir à maintes reprises.
 

Le rythme s’accélère tout à coup, les années s’emballent. On tourne une dernière page et la deuxième partie du roman commence : « Spirale ». On y retrouve nos deux gosses, adultes à présent. Roméo a perdu son innocence et sa douceur d’enfant ; on découvre un homme à la fois assoiffé et dégoûté des femmes et du sexe, menant une vie misérable construite d’erreurs et de déceptions.

« Il en a bouffé, des femmes. Il en est gavé, il ne prend plus. Sauf pour le pieu, et encore, il simplifie. Il voit une petite jeune, pas plus haute qu’une demi-pomme, végétarienne et rigolote, le genre copine coquine sans prise de tête. A part ça, il baise Martine deux ou trois fois par mois. Martine est son ex-femme. Elle est blonde, secrétaire dans l’Administration, fade et mesquine. Il l’a épousée parce qu’elle était en cloque, qu’à trente ans, il se sentait prêt pour être père, et parce que avec le mariage il récupérait la nationalité française. Chaque fois il se dit qu’il a vraiment merdé en ayant un gosse avec cette conne là plutôt qu’avec une autre, peut-être aussi conne mais moins chiante. Il la baise quand même. Elle a un beau cul. Avec d’autres qui l’inspirent moins, il pense à son cul. »

Les chapitres suivants concernant ce personnage seront à l’image de ce passage : entre égocentrisme marqué et langage sexuel très cru. Le lecteur ne peut donc s’empêcher d’éprouver – effet escompté par l’auteure – un dégoût profond pour Roméo, une aversion certaine.
 

Vers la page 179, j’ai commencé à me lasser sérieusement de la plume de l’auteure : au début du roman, le style lapidaire convenait bien à l’atmosphère violente régissant la vie de Roméo. Seulement, après presque deux cent pages, le style n’a pas évolué. Les phrases sont toujours très courtes, s’enchaînent toujours avec la même rapidité ; le lecteur n’a pas le temps de s’installer entre les mots, de laisser sa pensée entre les lettres, il est toujours bousculé. Un rythme intellectuellement fatiguant donc.
 

Malgré ces petits bémols, j’ai tout de même continué d’apprécier certains passages ; dont celui-ci, bien qu’irréaliste je pense à notre époque (…) :

« N’empêche, ce qu’il a compris de ces années chaudières, c’est que la religion de l’effort, toujours mieux, toujours plus, ça ne fait pas vivre plus ou mieux, ça empêche de vivre tout court. Sa philosophie d’aujourd’hui, c’est que plus n’est pas forcément mieux et que le plaisir ne doit pas coûter cher. Pas cher en argent, pas cher en temps, pas cher en énergie. Observer le monde, la nature, les gens, jouir de ce qu’on a à portée, sans forcer, ça, c’est vivre. »

Pour faire bref, les chapitres suivants ne sont pas très rose, voire même plutôt noirs. Malgré certains clichés et phrases toutes faites, le lecteur accompagne les personnages dans leur déchéance, tous les sentiments y passent. On s’accroche à l’histoire comme les personnages s’accrochent à leur vie ; ils ont envie de tout quitter et nous de laisser tomber le roman. On se cramponne aux mots, le cœur battant d’appréhension pour la suite.

« Il voudrait qu’elle remplisse l’espace, qu’elle comble le vide, et elle, tout ce qu’elle sait faire, c’est s’occuper de ses bouquins et de ses mômes. Elle le fait chier avec son exemple qu’il est censé suivre, alors que le seul truc dont il aurait besoin, c’est qu’ils soient ensemble, qu’ils bouffent, qu’ils baisent, qu’ils dorment ensemble. »

Plus on tourne les pages, plus les personnages évoluent dans leur rapport l’un à l’autre. La justesse des sentiments et des émotions décrits captive le lecteur, l’intègre totalement et malgré lui à la vie chaotique de Marie et Roméo. Inquiétude, désarroi, douleur : on devient tour à tour l’un et l’autre, incapable de les comprendre, soumis à leurs choix.
 

Un point négatif assez lourd du roman est sa forme restrictive au niveau de l’identité des personnages. En effet, Roméo est – de façon de plus en plus excessive– grossier, pervers et égoïste ; quant à Marie, elle apparaît fleur bleue, travailleuse et intelligente. Cette catégorisation des individus quant à leur personnalité selon qu’ils soient un homme ou une femme m’a fort déplue. J’aurais souhaité plus d’originalité et moins de clichés dans ce roman qui se veut différent.
 

Malgré ces défauts, la centaine de pages qui suivent et terminent le roman se lit d’un trait. Difficile de décrocher alors que les personnages sont comme aspirés dans le tourbillon de leurs erreurs. La chute des personnages est certes prévisible, mais tellement brutale que l’on en a le souffle coupé. Les personnages se déchirent encore et encore, toujours plus fort et toujours plus loin ; c’est ici que se dessine la véritable passion, qui dépasse de loin la simple passion amoureuse. Alors que l’amour se transforme progressivement en haine, une haine si brutale et si forte qu’elle en devient collante, imprégnant le lecteur qui tourne les pages avec dégoût, ce dernier découvre la passion haineuse.
 

Toutefois, bien que l’auteure ait très bien su retranscrire cette passion destructrice et violente, la responsabilité de Marie n’est pas apparente. Roméo est coupable à la lecture. Egocentrique, violent, impitoyable, sévère, dur, etc. : la liste de ses défauts s’alourdit à chaque page. Cependant, dans la haine comme dans l’amour il faut être deux, l’auteure aurait donc peut-être du développer la part de responsabilité de Marie dans cette relation proche de l’aversion de l’autre.
 

Le couple que continuent de former envers et contre tout Marie et Roméo poursuit sa descente aux Enfers : leur relation dépasse les limites, atteignant une sorte de folie haineuse tellement intolérable qu’elle en devient inhumaine, vestige d’un ancien amour aux blessures toujours saignantes. Chaque mot devient une pierre de feu. Le lecteur refuse de poursuivre et voudrait oublier, mais il ne peut pas. Il a véritablement peur. Peur pour ces personnages qui en moins de 250 pages ont pris vie, vibrant de leurs personnalités si pleines de défauts, de leurs erreurs, se nourrissant l’un de l’autre. Le lecteur ne peut qu’être tourmenté par la tempête qui bouleverse leur existence, les entraînant dans un puits de douleur qui semble infini.
 

Les dernières pages arrivent comme un soulagement, on ne peut réprimer un soupir. Le soulagement d’abandonner là ces deux êtres perdus et désespérés.
 

Après réflexion, on relit les dernières phrases. Ces quelques phrases que l’on avait d’abord survolées afin de terminer le roman plus rapidement, il faut maintenant les lire avec attention afin de mieux comprendre comment un roman si émotionnellement insupportable a pu prendre fin. Peut-être également pour se rassurer : trouver dans ces derniers mots une logique, une explication à la douleur des dernières pages.
 

Ainsi, ce n’est qu’une fois la lecture terminée que l’on peut véritablement comprendre les intentions de l’auteure : nous faire comprendre que chacun se construit une identité et une personnalité propre durant l’enfance, et qu’en conséquence notre enfance fera toujours partie intégrante de notre vie, marquant celle-ci profondément. Nous faire comprendre également qu’il faut savoir accepter l’autre, l’intégrer et apprendre à dépasser ses propres limites afin de mieux le saisir.

Marie et Roméo, malgré des enfances très différentes l’une de l’autre, ont tous les deux connus la douleur – morale ou physique. C’est peut-être cela qui les a condamné par avance : ils se sont tellement ancrés dans ce qu’ils étaient enfants, tellement définis par rapport à ce que l’on exigeait deux, qu’une fois ensemble ils se sont heurtés à leurs propres limites et n’ont pas su les dépasser. C’est donc un véritable mur, celui de leurs différences, qui va se dresser entre eux.

« Un jour, on s’assied au bord d’un lit, au flanc d’un homme nu sous le drap et on le regarde. On ne peut plus le toucher, on ne peut plus lui parler, il est si loin déjà, alors on se met tout entier dans les yeux qu’on pose sur lui et on le regarde. »

 Je remercie chaleureusement http://flof13.unblog.fr/files/2010/01/livraddictlogosmall.pnget les http://www.laffont.fr/images/image001.png qui m’ont permis de découvrir ce roman!!

6 comments

  1. Jennifer says:

    Pour moi également, une belle déception !! C’est ce qui explique la longueur de mon billet d’ailleurs -non, non, je ne tente pas de me justifier ^^ – j’ai toujours une foule de choses à dire quand
    un livre me déplaît.. Je file lire ton avis !!! @ bientôt !!

  2. Jennifer says:

    Je suis ravie de t’avoir confortée dans ton envie de découvrir ce roman !!! J’aimerais assez pouvoir échanger cet ouvrage, afin de découvrir un nouveau roman… Si cela t’intéresse? ;)
    A très bientôt, et merci de ta visite !! =D 

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