Quel effet bizarre faites-vous sur mon coeur

Ecrit par Christine Orban,

Parution le 05/2014 aux éditions Albin Michel,

272 pages, 19€.

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Quel effet bizarre faites-vous sur mon cœur est une fiction biographique autour du personnage de Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie, renommée Joséphine par son illustre époux Napoléon Bonaparte.

Le 15 décembre 1809, Joséphine est contrainte de signer la dissolution de son mariage pour raison d’état. L’Impératrice, alors âgée de quarante-six ans, est en effet devenue stérile alors qu’il est nécessaire pour Napoléon Ier d’offrir un héritier de son sang au trône de France. Cette séparation, après treize années de vie commune, est un déchirement pour les deux époux – alors que Napoléon pleure, Joséphine se sent mourir de l’intérieur.

« Ma douleur débordait. Je ne pouvais la retenir. (…) Je n’étais plus la fière impératrice qui recevait, distribuait à chacun des paroles bienveillantes, souriante, rassurante. J’étais perdue, avide de réconfort. Je pleurais devant ceux qui me croyaient supérieure, ceux qui confondait l’âme et l’habit. Aussi scintillant et brodé soit-il, l’habit ne protège pas des peines. »

L’Impératrice répudiée ne peut se confier à personne de peur que ses propos soient répétés. Elle s’oblige à faire bonne figure, à maîtriser ses apparences – mais comment survivre à la douleur ? Christine Orban a répondu à sa détresse par l’écriture de ce faux journal intime adressé à Napoléon Bonaparte, alors en exil sur l’île d’Elbe.

« Comme il est difficile de faire le deuil des jours heureux. Il semble que l’âme qui souffre ne prenne plaisir qu’à retracer ses souffrances. »

Exutoire aux blessures de Joséphine, le récit est monotone et plaintif, construit autour des souvenirs de cette femme brisée qui souhaite épancher son âme. Les réminiscences du passé ainsi que les évocations du présent se mêlent étroitement et offrent au lecteur de comprendre les tristes événements qui conduisirent l’Impératrice à vivre esseulée au château de Malmaison.

Bien que ces souvenirs amènent le lecteur à revivre certains événements de l’Histoire de France, l’intérêt historique de ce roman demeure très limité puisque leurs détails ne portent essentiellement que sur l’intimité du couple impérial. Ainsi, la véritable motivation à cette lecture demeure la superbe plume de Christine Orban : ses mots, d’une grande douceur, invite à une poésie naturelle si agréable qu’elle rend acceptable la longue plainte de cette femme abandonnée par celui qu’elle aimera jusqu’à sa mort.

« Il me semble impossible que tu ne ressentes pas ma détresse en cet instant. Nous étions si proches. Tu t’es éloigné, tes ambitions dépassent l’amour terrestre. Tu ne m’appartiens plus, mais tu n’appartiendras plus jamais à aucune autre. »

Christine Orban offre à ses écrits une authencité charmante qui pourrait aisément faire croire à leur véracité, tant on oublie sans aucune difficulté la modernité de sa plume. L’expression de la tristesse, lourde et mélancolique, démontre son talent à restituer avec une simplicité admirable la peine immense que devait ressentir cette femme renvoyée parce qu’elle ne pouvait plus enfanter.

Aussi triste que poétique, Quel effet bizarre faites-vous sur mon cœur est à lire doucement pour ne pas subir le chagrin écrasant de la pauvre Joséphine et ainsi mieux savourer la plume délicate de Christine Orban qui narre avec justesse les sentiments amoureux universels. Une belle lecture.

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Je remercie Gilles Paris ainsi que les éditions Albin Michel pour leur confiance.